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Le Dieu du Mal – Hervé Rousseau

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Le Dieu du Mal – Hervé Rousseau

L’auteur manifeste un parti pris très clair à l’encontre du dualisme qu’il assimile à « une déviation, une dégénérescence » du monothéisme.

La partie concernant les Bogomiles et les Cathares n’occupe que treize pages des cent trente que compte l’ouvrage. Il y confond hardiment dualisme et dithéisme, démontrant ainsi une lecture plus que superficielle de la doctrine cathare.

Voici ce qu’en dit Lucienne Julien en 1966.

H. ROUSSEAU Le Dieu du Mal. (Presses Universitaires de France. Paris, 1963).

Cet ouvrage se propose, d’une manière évidente, de démonstrer l’absurdité du dualisme, ce qui est facile quand on le prend inexactement comme un dualisme absolu, c’est à dire un dithéisme qui opposerait l’un a l’autre deux Dieux égaux. À cet effet, l’auteur étudie successivement les diverses formes prises par le dualisme au cours des temps.
La doctrine de la dualité est fort ancienne puisqu’on la retrouve chez les peuples paléo-sibériens, chez les peuplades de l’Altaï, dans certaines tribus nord-américaines ; les mythes y tendent toujours à dégager la responsabilité du Créateur à l’égard du Mal. C’est avec Zoroastre que le dualisme prend toute son ampleur. Parti de la religion indo-européenne polythéiste, Zoroastre aurait fait un travail considérable pour adapter ce système au monothéisme qui est sa première affirmation, aboutissant à sa seconde affirmation, celle du dualisme moral des deux jumeaux, Bien et Mal. issus d’un Dieu unique, Ahura-Mazda ses successeurs auraient multiplié les entités bonnes et mauvaises sans résoudre pour autant le problème d’un Créateur bon et tout puissant engendrant le Mal.
Le mazdéisme essaie ensuite d’élever la pensée dualiste au niveau de la philosophie, mais d’après H. Rousseau, pas plus que le Zoroastrisme, il n’apporte de solution aux problèmes posés par l’opposition du Bien au Mal. Le Zurvanisme qui n’est qu’une « hérésie » des précédentes doctrines, ne satisfait pas davantage l’auteur, (alors que Zurvan est un premier principe absolu d’où sont issus le bien et le mal relatifs et dont il est l’origine).
Au dualisme de ces diverses doctrines, H. Rousseau oppose la conception judaïque et chrétienne, monothéiste, dans laquelle la conception d’un transfert de la responsabilité du mal à un Esprit mauvais n’apparaît que peu à peu au cours de tout l’Ancien Testament, Mais celui-ci n’agit qu’avec « la permission de Dieu ». L’Auteur reconnaît que, selon le Nouveau Testament, le monde est mauvais et que Satan en est le Prince, mais il ne voit pas que le mal est positif comme le bien, mais cependant relatif puisque transitoire. La gnose que l’auteur qualifie de « vaste mouvement spirituel par la connaissance », mais dans laquelle il refuse de voir une religion, reprend le thème dualiste qui s’épanouit ensuite dans le manichéisme constitué par des emprunts à divers mouvements. L’Auteur ne voit pas que la gnose chrétienne est une philosophie religieuse qu’on ne peut comprendre que par les doctrines de Platon et de ses interprètes comme Plutarque. Les dieux organisateurs du monde y sont subordonnés au Dieu suprême.
Après avoir brillé d’un vil éclat, le manichéisme, à son tour, échoue, selon M. Rousseau, parce qu’il n’apporte pas de solution satisfaisante à la conception de la dualité ; après lui. le bogomolisme, né en Bulgarie au 10e siècle, puis le catharisme, « forme la plus radicale de la dualité», ne connaissent pas un meilleur sort. L’auteur se débat dans les notions de dualisme mitigé et de dualisme radical pour finalement remarquer que le dualisme est, en fait, un système optimiste dans lequel le Bien triomphe toujours du Mal.
Depuis la disparition du catharisme, la pensée dualiste n’est plus, selon l’Auteur, que le fait de quelques individualités aux altitudes sectaires et de s’indigner que l’on ait pu dire de Simone Weil qu’elle « avait de la sympathie pour la religion des Parfaits » elle en ignorait la doctrine et n’en avait eu que quelques lueurs à travers les articles de D. Roche « qui donne du catharisme une version toute personnelle », à laisser « rêveur » M. H. Rousseau. Mais en quoi est-ce gênant pour un esprit ouvert et libre que de ne pas adopter systématiquement, après de longues éludes sur la question, le point de vue des inquisiteurs et de l’Église romaine ? M. Rousseau parait décidément ignorer que la philosophie des manichéens et des cathares a bien été inspirée, comme celle des gnostiques, par celle des platoniciens et que Simone Weil a eu raison d’y voir un platonisme chrétien.
M. Rousseau conclut que le dualisme, radical ou « mitigé ». présente des solutions qui ne résistent pas à l’examen ; la gnose se dissipe en fumée dès qu’on tente de la préciser. Substantifier le Mal, en faire une réalité sont autant d’erreurs destinées à supprimer la liberté morale, à détruire l’idée de Dieu. Il ne peut y avoir qu’un Absolu et par conséquent seul le monothéisme est valable. Et l’auteur ne voit pas que le dualisme moral et cosmique n’est pas absolu, que « le mal n’est pas substantifié » bien que positif et que les cathares étaient chrétiens monothéistes comme les manichéens.
L’auteur prête aux manichéens et aux cathares une conception dont il démontre facilement l’absurdité : nos lecteurs savent bien, par les travaux de D. Roche précisément, que pas plus l’École de Bulgarie que l’École d’Albanie, et de Jean de Lugio, n’ont envisagé deux dieux opposés, mais deux principes. Bien et Mal, émanés d’un Dieu unique, permettant à l’homme d’acquérir, par un choix, sa liberté intérieure, et concourant par la â l’évolution de l’humanité dans le plan divin.
Ce petit ouvrage, incontestablement documenté, a le tort de vouloir coûte que coûte conclure à la seule valeur du monothéisme officiel de l’Église et de rejeter dans un même opprobre toute la pensée dualiste de plusieurs millénaires.

L. Julien.

Sans faire mienne la pensée ésotérique de Lucienne Julien, je ne peux que la rejoindre dans son analyse de cet ouvrage que je ne recommande pas.

Le mystère cathare

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Le mystère cathare – Ernest Fornairon

Quatrième de couverture

L’auteur s’est efforcé au cours de cette étude qui résume Le travail de longues années de recherches et de méditations, de présenter le Catharisme et l’histoire de la Croisade contre les Albigeois sous un aspect particulièrement objectif, dépouillé de ce romantisme légendaire qui a trop souvent défiguré ou rabaissé cette tentative de haute spiritualité que son caractère quasi surhumain ne pouvait vouer qu’à l’échec, même en dehors de toutes les sentences d’excommunication et des mesures de répression.
La « Sainte Hérésie » c’est ainsi qu’Ernest Fornairon qualifie volontiers la religion des Cathares, telle qu’elle apparaît d’après le nombre très réduit de documents valables qui nous sont parvenus.
Cette absence d’informations complètes et précises a permis depuis le milieu du XIXe siècle à la plupart des historiens du Catharisme de prendre les positions les plus diverses et souvent les plus opposées, chacun essayant de faire des Cathares les pionniers de l’idéologie qui lui convenait le mieux. On s’est plu à voir dans les « Parfaits » des précurseurs, tour a tour, de la Réforme, du Jansénisme, de l’Encyclopédie, voire ceux du saint-simonisme, de l’anarchie ou du marxisme.
La vérité, autant qu’il est possible de la supposer, est à la fols plus simple et plus nuancée, et il convient de voir uniquement chez les « Parfaits » un effort incessant d’élévation morale, un élan vers la pureté, le détachement total de la matière, et la quête de Dieu avec la conviction de sa miséricorde Infinie et l’espérance d’acquérir par une patiente résolution de chaque heure une âme digne de devenir la maison de Dieu ; bref une marche constante vers la Lumière.
L’élude de ce perfectionnement ne pouvait se faire utilement qu’en se plaçant le plus près possible de l’esprit du Moyen Age, de cette époque qui est tout le contraire des temps barbares et obscurs que l’imagination des historiens et des romanciers s’est longtemps amusée a décrire.
Quant à l’histoire même de la Croisade, si souvent racontée, l’auteur s’est attardé seulement sur quelques événements principaux et définitifs et sur les personnages essentiels, l’hérésie pouvant être considérée comme irrévocablement vaincue et Jugulée après la défaite de Muret ; les longues années qui s’écoulèrent jusqu’à la reddition de Montségur n’étant plus désormais pour les provinces méridionales qu’une lente agonie projetée sur la toile de fond d’un Catharisme déjà largement effiloché et en lambeaux.
Ajoutons que ces pages — en dépit de l’austérité du sujet — sont d’un style vivant et évocateur qui rend leur lecture passionnante.
Une bibliographie nouvelle comprenant plus de deux cents titres complète excellemment ce travail, indispensable pour quiconque s’intéresse à l’histoire de la France au Moyen Age.

Mon commentaire

Tous les livres présentés dans la Bibliothèque ne sont pas forcément à lire. Celui-ci, déjà fort justement critiqué à sa sortie (1964), ne s’est pas bonifié avec le temps. Je ne vous le conseille donc pas.

Critiques parues dans les Cahiers d’études cathares (n°24 1964)

Lucienne Julien

Avec un tel titre, on s’attend à des révélations sensationnelles. Et, en effet, nous apprenons en cours de lecture, que les méridionaux, « paresseux et légers », ne pouvaient qu’être vaincus par ces « courageux barons du Nord », possesseurs de toutes les vertus qui manquent totalement aux gens de l’Occitanie ; que les troubadours étaient « des hommes désœuvrés, des étudiants avortés, des clercs ratés » ; que les Cathares étaient une minorité (12 000 au début de la croisade, 250 quarante ans plus tard ; ce qui laisse supposer un nombre important de victimes au palmarès des croisés et de l’Inquisition !) parce que « le Catharisme était trop peu conforme à la molesse, à la nonchalance et à la sensualité méridionales » ; que « Rome finalement ne trembla pas tellement devant l’hérésie » — Pourquoi alors tant de massacres, tant de bûchers ? Pourquoi l’Inquisition ? Le Languedoc était paraît-il « un terrain désorganisé» où, « depuis le XI* siècle, une puissante Maison s’était formée ». Si le roi de France s’est si  peu intéressé à la Croisade a ses débuts, c’est qu’il était trop occupé par ses multiples mariages et ses démêlés avec Rome, conséquences de ses unions successives !
Après cette étude du climat. M. Fornairon essaye d’analyser la doctrine et il pense que « le catharisme est une hérésie dont le grand secret consiste a refuser le don d’une âme à tout homme qui voit le jour, celui-ci devant l’acquérir à chaque instant de sa vie, et seuls les hommes capables de s’en être donné une entraient après leur mort dans l’éternité de Dieu, les autres retournant dans les ténèbres du néant»! Pas de lien avec le manichéisme, pas de science spirituelle dans le catharisme : vouloir le  prouver serait « répéter une démonstration digne d’un médecin de Molière ». Essayer de déterminer l’organisation de l’Église cathare, c’est produire un aimable mélange de catholicisme, de paganisme, de protestantisme et de fantaisie, de la plus déconcertante confusion ». Folie de déclarer que la citadelle de Montségur est un monastère cathare, une sorte de Temple du soleil, alors que « Montségur n’était qu’une de ces banales forteresses établies par les seigneurs » sur leurs fiefs. Les lecteurs de nos Cahiers savent ce que valent ces affirmations de M. Fornairon.
Il passe ensuite, d’une manière très rapide, aux événements de la croisade, Nous aimerions connaître les sources qui lui permettent d’établir le portrait de Dame Géralda de Lavaur « un peu hommasse, assez duvetée » et qui fut « l’une de ces étoiles du catharisme assez imbues de leurs mérites, et qui trépignèrent de joie et battirent des mains à l’idée qu’elles pourraient jouer un rôle dans une pastorale mystique, sans se douter que celle-ci finirait un jour en tragédie. »
Les phrases citées nous donnent le ton général du style de ce livre, style qui se veut alerte, mais qui n’est que désinvolte et déplaisant pour évoquer une telle tragédie. M. Fornairon veut donner l’impression qu’il nourrit une certaine sympathie (très relative!) pour les Cathares dont il nous demande que puisque « nous sommes incapables de les comprendre, encore plus de les imiter, nous leur fassions la grâce de ne pas les condamner ». Nous ne sommes d’accord que sur le dernier point avec l’auteur d’un livre aux affirmations tendancieuses, dans lequel on sent la volonté de minimiser le rôle odieux des croisés, de l’Église et des Inquisiteurs, en caricaturant le peuple occitan et en ridiculisant les chercheurs qui ne se rallient pas strictement au point de vue catholique romain.

Jean Duvernoy

Le titre de l’ouvrage de M. Fornairon, « le mystère cathare », qui vient de paraître dans la collection Homo sapiens de la librairie Flammarion, est bien prometteur. Le lecteur ne manquera pas d’être déçu : sur les 232 pages du livre, une trentaine seulement concerne le Catharisme. Le reste discute les mérites respectifs des civilisations  française et occitane  au   XII’  siècle et fait le récit de la Croisade, qui  forme le gros de l’ouvrage.
On ne peut que louer M. Fornairon d’avoir voulu situer le milieu en nous apportant dans son premier chapitre les « rudiments nécessaires ». Mais les civilisations se pèsent et se mesurent. Pour savoir ce que valut la civilisation méridionale, nous n’en sommes pas réduits a de simples impressions intuitives. Au lieu de nous dire que les troubadours étaient des « truands perfectionnés » (p. 13) l’auteur eût mieux fait de nous dire que le roman de Flamenca préfigure Boccace et que Dante a failli écrire en langue d’oc. Au lieu de nous dire que les paysans étaient « égoïstes, frustes et sournois » (p. 23), il eût mieux valu signaler l’absence presque générale du servage, des tailles, et le très faible écart dans la condition des personnes qui frappent immédiatement  dans  les documents de  l’époque.
Aussi bien la question ne présente-t-elle, pour le Catharisme, qu’un bien mince intérêt. Il y eut des cathares en Rhénanie, en Champagne, dans le Centre de la France, bien que ces régions ne tussent pas méditerranéennes, qu’elles ne fussent pas soumises à la cour de Raymond VI, etc.
Les « rudiments nécessaires » de M. Fornairon, d’ailleurs, datent, et les citations qu’il nous donne d’Augustin Thierry, de Sismondi ou de Michaud, comme le terme de « carlovingiens » (p. 28) laissent des doutes sur la fraîcheur de son information.
C’est bien ce qu’il faut déplorer à la lecture du chapitre consacré au Catharisme. M. Fornairon a, certes, pour l’hérésie médiévale, un préjugé favorable. Son dessein, assez confusément réalisé d’ailleurs, est de sauver le Catharisme, qu’il voit tout de pureté el de spiritualisme, du tort que lui ont cause détracteurs  comme ses amis trop zélés.
Ce qui est grave, c’est que l’auteur n’a nullement la prétention d’éclairer le « mystère cathare » : « Faute de documents, écrit-il, on peut écrire tout ce qu’on voudra à propos du catharisme…  Cette constatation essentielle étant faite, essayons d’exposer la même doctrine d’après les savantes décantations, votre les subtiles inventions des docteurs les plus connus — sinon les plus éclairés » (p. 64). C’est dire, et l’ouvrage ne le confirme que trop, que M. Fornairon n’a vu le Catharisme qu’à travers des ouvrages de seconde main, et que, désespérant de trouver la vérité dans des sources qu’il juge Insuffisantes, il s’en remet a ses propres impressions pour tirer les conclusions de ces opinions peu « éclairées » et souvent divergentes.
Rares sont, d’ailleurs, les « docteurs » cités, et les emprunts ne sont pas toujours entre guillemets, ce dont deux ailleurs au moins, à ma connaissance, se sont plaints. Quoi qu’il en soit, l’exposé ne tient pas compte des travaux désormais classiques de Schmidt, Douais, Molinier, Guiraud, Runciman, Soderberg et Borst, La thèse présentée comme celle de Belperron est franchement incomplète : elle ne vise que « le dualisme mitigé » qui n’a jamais fleuri qu’en Lombardie. Il est reproché à d’autres auteurs d’introduire dans le Catharisme la métempsychose (p. 59), comme si le fait n’était pas avéré depuis Bossuet.
Le « grand secret cathare », rare participation de l’auteur à l’élucidation du mystère, est, parait-il, de « refuser le don d’une âme à tout homme qui voit le jour » (p. 60). Ce secret fut bien gardé, car les contemporains, cathares ou adversaires, ont toujours soutenu exactement le contraire. Non moins imprudente est la formulation : « selon les cathares, le Premier homme comprenait tout l’univers et ses éléments spirituels ont été dispersés dans les astres qu’ils ont formés » (p. 61).
Passons sur les erreurs de détail, recopiées sans souci de critique : récitation de l’oraison dominicale par les simples croyants, confession et absolution (p. 62), passons sur « l’adhésion bien vague » (p- 64), des croyants, alors que la moindre paysanne du haut Sabartès était capable de donner un catéchisme intelligible du catharisme devant l’Inquisition au début du XIVe siècle ; passons surtout sur ces allusions intempestives aux mœurs contre nature (pp. 9 et 74). Il est des calomnies qu’il vaut mieux taire, même quand on n’y ajoute pas foi. Dans l’entier corpus de l’Inquisition  méridionale, qui mentionne environ 25 000 personnes, il n’y a qu’une affaire, qu’une mention d’homosexualité (Ms Vatican 4030, f° 226 a à 233 d). Elle concerne un franciscain défroqué de Pamiers.
Les critiques de M. Fornairon ne sont guère plus heureuses que ses apports. Il met a tort en doute, chez les cathares, les doctrines pourtant certaines de la métempsychose (p. 67) et du composé humain ternaire (p. 68).
Il juge d’une « clarté contestable » et « sans doute de saint Bernard de Clairvaux » (p. 72) un des textes les plus rabâchés sur l’hérésie médiévale, le double sermon In Cantica. où il voit une « boutade prud’hommesque ». Il attribue à Belperron, dans sa description pourtant fort banale du consolamcntum, d’« ingénieuses citations » (p. 193) en ignorant que nous en possédons le rituel exact en deux langues, Reprenant sans s’en apercevoir le même texte dans l’exposé de Jacques Madaule (pour l’appareilhamentum) (p. 80-81 ), il en juge ce dernier l’auteur et l’accuse d’avoir eu la distraction de ne pas révéler ses sources ». Il estime enfin que ce texte est « en-dessous du catharisme », ce qui est on ne peut plus savoureux.

Le récit de la Croisade, qui fait suite à l’exposé du catharisme, présentait pour M. Fornairon, dont nous savons qu’il possédait l’ouvrage de Belperron, moins d’embûches. Mais il est souvent périlleux d’abréger. On risque ainsi de dire que saint Bernard (mort en 1153) poursuivit les hérétiques d’Orléans (en 1022) et ceux de Tours, ville où se tint seulement un concile (p 87). On risque de dire encore qu’après la bataille de Muret, pris de découragement, les cathares en vinrent à lire les « Lamentations de Baruch », mais non les « livres historiques des Proverbes et des Cantiques » (p. 148) ; de parler de Vigouroux de Barcelone, en recopiant une hypothèse timide, et d’ailleurs erronée (p. 167); de faire faire l’escalade de Montségur par les habitants du village (p. 179), alors qu’il s’agit de gascons (et non pas de basques) comme on l’a souvent dit par erreur.

Ayons la charité de ne pas insister. Le livre de M. Fornairon a le mérite d’exister. Il se vendra. Il aura ainsi procuré à un imprimeur et à des libraires du travail. Cela est bien, comme il est excellent que le touriste gravisse le sentier de Montségur ou visite les grottes d’Ussat. L’Ariège en a grand besoin.
Mais, à tout prendre, j’aime autant le Guide Bleu qui fait mourir « cinq à six cents albigeois » emmurés dans la grotte de Lombrives en 1328. Au moins ne prétend-il faire la leçon à personne.

 

Voilà, à chacun de voir s’il veut gaspiller son argent.

Déodat Roché (1877-1978)

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Déodat Roche (1877-1978)

Philosophe initié, défenseur du Catharisme. C’est par ces mots que le présente Lucienne julien, sa collaboratrice aux Cahiers d’études cathares, dans la biographie qu’elle lui consacre dans le numéro hors série de mai 1994 de la revue Spiritualité cathare qu’elle fonda en 1990, suite à de désaccords avec l’équipe des Cahiers.

Comme il est difficile de résumer un siècle de vie, surtout quand elle fut aussi riche que celle de celui que les médias appelaient « le pape du Catharisme », je vous propose de lire l’article de Lucienne Julien, publié en 1994 dans la revue Spiritualité cathare.

Pour les personnes qui le souhaitent Lucienne Julien avait publié un autre article dans la revue Cahiers d’études cathares (n°77), que je ne suis pas autorisé à publier ici. Vous pouvez contacter l’éditeur, Olivier Cébe ou — pour les chercheurs — le lire dans la revue.

M. Roché (que j’orthographie à la française pour rendre l’accentuation du e final), fut un « éveilleur » moderne du catharisme. Certes, ses choix et ses orientations le concernant sont aujourd’hui discutables, mais il suivi les voies qui s’ouvraient à lui en totale honnêteté intellectuelle et, une source récente, m’a assuré qu’à la fin de sa vie il reconnaissait s’être égaré sur des sentiers sans rapport avec le catharisme. Une telle lucidité à l’hiver de sa vie ne peut qu’être saluée.Read more

Boulgres & Cathares – Topentcharov

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Boulgres & Cathares

Deux brasiers, une même flamme
Vladimir  Topentcharov

Informations techniques

Un volume de 208  pages, format 130 x 184, sous couverture vernie  en quadrichromie.
1971 – Éditions Seghers – Paris

Quatrième de couverture

Vladimir Topentcharov, professeur à l’Université de Sofia et ambassadeur de Bulgarie en France, nous place, dans cet ouvrage, face à une période historique qui connut, en plein Moyen Age, le   « souffle baillonné » d’un mouvement spirituel populaire dans lequel deux termes —  « boufgares »   ( « bougres » )  « cathares » — se trouvent rapprochés.
Les derniers sursauts du mouvement s’éteignent vers la fin du XlVè siècle, avec l’apparition de la Réforme et de la Renaissance. Mais, quatre siècles durant, du Xème au XlVème, il avait secoué les peuples européens — de l’est de l’Europe, le Finis-Haemi, en terre bulgare, jusqu’à l’extrême ouest, le Finistère français. L’Eglise à Tirnovo, capitale bulgare, le Patriarcat à Constantinople, le Vatican à Rome, la Cour bulgare et la royauté française s’en ressentirent.
Cette époque a vu l’holocauste du bogomile Vassili, cathare de tendance bulgare, dont le corps fut brûlé par les Pères orthodoxes en plein Constantinople. Puis, elle fut le témoin des bûchers de l’Inquisition, qui supplicièrent les « bougres » français — Cathares de Cambrai, de Douai ou d’Orléans — et des bûchers collectifs du Mont Wimer et des pentes   de Montségur. Dans la nuit du ciel médiéval, les flammes de l’Ouest et de l’Est se rejoignirent, illuminant l’Europe et déchirant son obscurité. Ce fut une période de spiritualité populaire intense, qui capta pour un temps la soif des peuples à la fraternité universelle.

Vladimir Topentcharov est également l’auteur, aux Editions Seghers, de : Cette mer enchanteresse, nommée Noire et de Saint-Cyrille, A. B.C. de la Renaissance.

Olivier de Termes

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Olivier de Termes
Le cathare et le croisé (vers 1200-1274)
Gauthier Langlois

Quatrième de couverture

Olivier de Termes est un héros digne de roman ou de légende. Et pourtant, ce personnage bien réel est resté un grand absent de l’histoire. Pour réparer cet oubli, cet ouvrage nous propose de découvrir un acteur peu connu, mais dont on dit qu’il mérite le titre de meilleur chevalier du monde !
Grand seigneur féodal, Olivier est l’homme de deux époques. Issu d’une famille cathare occitane spoliée par la croisade des Albigeois, il s’impose vite comme le plus actif des opposants à l’Eglise catholique et au roi de France en Languedoc.
Au service des princes méridionaux, il se distingue dans de nombreuses opérations militaires tel le siège de Carcassonne en 1240. Après avoir fait la paix avec l’Eglise et le roi, il accompagne saint Louis en croisade en Terre sainte, où il s’illustre à nouveau, ce qui lui vaut la restitution de ses biens.
Devenu le plus fidèle et le plus apprécié des agents du roi de France en Languedoc, il se convertit au catholicisme et liquide sa seigneurie des Corbières pour repartir en Terre sainte. Il y meurt en 1274 à la tête des troupes du pape et du roi.

Grâce à de minutieuses recherches, l’auteur, lauréat du prix Edouard-Privat 2000 en histoire méridionale, retrace la vie et les actions de ce chevalier d’envergure internationale. Il le fait revivre à la cour, à la guerre, dans sa famille et sa seigneurie ; il nous fait partager ses joies et ses peines ; il nous éclaire sur sa personnalité, ses convictions politiques ou religieuses, sur son rôle diplomatique jusque-là méconnu. Il cherche à comprendre pourquoi ce seigneur, protecteur d’hérétiques, ce chevalier excommunié, devient le plus efficace soutien de saint Louis en Languedoc et en Terre sainte.
À travers la vie d’Olivier de Termes, c’est tout un pan de l’histoire du Languedoc et de l’Occident au XIIIème siècle qui est mis en lumière.

Mon avis

Ouvrage très intéressant sur ce personnage typique des occitans faydits, totalement imprégnés de la mentalité méridionale et des règles de chevalerie, y compris dans leurs cruautés envers l’ordre inférieur des laboratores. Quelques pages au début nous présentent Benoît de termes, évêque cathare du Razès. À lire pour connaître cette période, mais peu informatif sur le catharisme.

Informations techniques

Olivier de Termes – Le cathare et le croisé (vers1200-1274) – Gauthier Langlois
Éditions Privat, Toulouse 2001 – ISBN : 2-7089-7520-X

Les Cathares – Histoire et spiritualité

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Les Cathares
Histoire et spiritualité

Philippe Roy

Informations techniques

ISBN : 978-2-85076-576-6
Éditions Dervy (Paris) – 1993 – 343 p.

Quatrième de couverture

De nombreuses études ont retracé l’histoire des Cathares, également connus sous les appellations d’« hérétiques », de « manichéens », de « bons hommes » ou de « gnostiques ».

Philippe Roy nous présente ici la foi et les pratiques spirituelles de ces adorateurs du Christ traqués et condamnés par l’Église romaine, et nous restitue leur ascèse, tant physique que morale.

La pratique d’une hygiène alimentaire rigoureuse, de la contemplation, de la méditation, de la prière et des rituels était le quotidien de ces « fous de Dieu » qui vivaient la pureté du christianisme primitif.

Plus qu’une histoire du Catharisme, c’est une histoire de la vie intérieure des Cathares au travers de leur doctrine que l’auteur a reconstitué.

Mon analyse

Ce livre me semble tout à fait utile car il offre une approche du catharisme qui tient compte de la part spirituelle et doctrinale du catharisme, ce qui fait souvent défaut aux ouvrages plus historiques. Le seul point qui me pose problème c’est la tendance régulière de l’auteur à glisser de la doctrine et de la spiritualité vers l’ésotérisme et la mystique. Pour moi, le catharisme est une des religions les plus rationnelle qui soit, sans doute en raison de son attachement à la philosophie grecque. Mais, ceci mis à part, je souscris à la quasi totalité des opinions de l’auteur, dont il ne faut pas oublier que l’ouvrage a plus de vingt ans, ce qui excuse facilement quelques points un peu datés.
Je ne le conseillerais peut-être pas pour découvrir le catharisme, mais ce peut être un ouvrage complémentaire intéressant à lire.

N.D.L.R. : Une ré-édition est parue en 2004 avec une autre couverture. Ne l’ayant pas lue, je ne saurais dire si elle comporte des modifications avec la première.

Le drame cathare – Lequenne

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Le drame cathare ou l’hérésie nécessaire
Fernand Lequenne (1906)

Préface de Robert Kanters (****)

Éditions René Julliard (Paris) – 1954

Prix conseillé en occasion, état moyen à correct : 3 à 5€.

Photo de couverture due à l’obligeance des Cahiers d’études cathares.

Quatrième de couverture

Voici restituées dans leur ferveur quelques hérésies calomniées ; notamment l’hérésie cathare, celle des Albigeois : drame d’une bouleversante pureté, épopée d’hommes qui continuèrent dans la réalité l’héroïsme des chevaliers du Graal ; qui mieux que d’autres, essayèrent de retrouver ces vérités de Dieu, en partie cachées par l’Église. Mais, malgré les apparences, drame de toujours au centre de la conscience humaine, les hérésies continuent ; plus que jamais nécessaires. Ne serait-ce, écrit Robert Kanters dans sa longue et belle préface, que « pour provoquer la réponse de la lumière. Ce livre informé ne ressemble à aucun autre et c’est sans doute pour quoi il est, lui aussi, nécessaire ».

Mon commentaire

Je déconseille ce livre aux personnes débutantes dans l’étude du catharisme car il est extrêmement daté et comporte de nombreuses erreurs, corrigées depuis par les chercheurs.
Cependant, sa préface est de grande qualité et sa lecture nous informe sur l’état des connaissances à l’époque et sur l’état d’esprit de l’auteur, souvent primé par de grandes institution, et intéressé à l’histoire du Midi (notamment la vie d’Olivier de Serres) et à l’histoire religieuse.

Les Bougres : Histoire du pope Bogomile et de ses adeptes

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Les Bougres : Histoire du pope Bogomile et de ses adeptes

Borislav Primov

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Édition française : 1975. Bibliothèque historique Payot. 365 p. Prix à la publication : 65 Frs (9,90 €).

Traduction française de Monette Ribeyrol

Commentaire

Je n’ai pas lu ce livre mais Jean Grouillard que j’ai lu et dont je respecte les compétences, s’exprime sans équivoque dans la Revue de l’histoire des religions, tome 192 n°1, 1977. p. 114.

« L’ouvrage de D. Angelov sur Le bogomilisme en Bulgarie (Bogomilslvoto v Bâlgaria, Sofia, 1969) était d’un authentique savant.
Celui de Primov, paru à Sofia l’année suivante, est un pitoyable roman à thèse. Les « spécialistes » (cf. p. 123) y apprendront que le bogomilisme, à travers les relais du catharisme et de la Réforme, a puissamment servi « l’aspiration de l’homme à s’affranchir des chaînes de l’obscurantisme » (p. 27). L’hérésie bogomile est la réaction de l’esprit critique (p. 12) contre l’oppression ininterrompue des puissances et doctrines établies du Moyen Age. Ce qu’on nous démontre par une accumulation de citations jetées en vrac, à coup de reconstructions gratuites — voir la carrière, brossée de chic, de l’obscur Bogomil ®(p. 98-121), ou le tableau du règne du tsar Pierre (p. 77-85) — et de généralités emphatiques et peremptoires, à la limite du comique, sur le monde médiéval (il suffira de lire les pages 11-13). L’imposante bibliographie « occidentale », déballée aux pages 297-302, ne doit pas donner le change. Tout le livre prouve que l’auteur ne l’a guère lue, ou en tout cas utilisée.
La traductrice sait son bulgare, mais elle a des notions fort confuses de la rigueur historique. Les textes grecs, latins, français sont presque toujours retraduits de versions bulgares, au risque parfois de contresens (p. 158, 11. 2-3) ; les noms d’auteurs sont estropiés (Robert d’Autissiodore, pour Auxerre, p. 10 ; Fulcherio Carnotensi pour Foucher de Chartres, p. 276, n. 3, etc.) ; on bulgarise à tous propos (Traulos, une forme qui remonte à Hérodote, deviendra Travàl, p. 230) ; les « moines » deviennent les « soutanes noires » (passim). On demeure consterné qu’un livre qui n’est qu’un piège à ignorants (appât du titre inclus : Les Bougres) puisse usurper, en une période dramatique pour l’édition scientifique, la place de travaux comme celui de Milan Loos, Dualist Heresy in the Middle Ages, Prague, 1974, en regard duquel il n’est que néant prétentieux.
Jean Gouillard. »