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Traité du libre arbitre – 1

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LIVRE DES DEUX PRINCIPES

Le Liber de duobus principiis dont nous disposons est issu d’un seul manuscrit, datant de la fin du 13e siècle, trouvé dans le fonds des Conventi soppressi de la Bibliothèque nationale de Florence. Publié en 1939 par le Père Antoine Dondaine, il est considéré comme le seul traité théologique philosophique cathare connu. Il s’agit de l’assemblage de différentes pièces issues d’un ouvrage dont Rainer Sacconi, polémiste catholique, dit qu’il comportait à l’origine « un gros volume de dix quaternions[1] ». Il ne s’agit donc que d’une partie d’un résumé de l’ouvrage original.

Le présent document est une traduction de René Nelli publié dans le recueil « Écritures cathares » publié par les éditions du Rocher dans une édition actualisée et augmentée par Anne Brenon en 1995. Pour respecter le droit des auteurs je ne vous livrerai ni la préface, ni les notices que vous trouverez dans le livre. J’espère qu’en ne publiant que la traduction je ne causerai aucun tort à personne et je permettrai à tous d’accéder à cet ouvrage essentiel à la compréhension de la doctrine cathare.

Traité du Libre Arbitre[2] – Chapitre 1

Comme beaucoup de personnes sont empêchées de connaître la droite vérité, je me suis proposé, pour leur illumination — pour exhorter celles qui sont capables de comprendre et aussi pour la propre satisfaction de mon âme —, d’expliquer notre vraie foi par les témoignages des divines Écritures et par des arguments très véridiques, après avoir invoqué le secours du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Commentaire :
L’auteur, Jean de Lugio de Bergame, évêque cathare italien de l’Église des Albanenses de Concorezzo, indique clairement qu’il intervient pour contrer une propagande inverse qui vient, certes des Catholiques, mais aussi d’une fraction cathare dite mitigée.

Les deux principes.

En l’honneur du Père très saint j’ai voulu commencer mon exposé, concernant les deux principes, en réfutant d’abord la théorie du principe unique, bien que cela aille à l’encontre de ce que pensent presque tous les esprits religieux. Je pose donc tout de suite : ou bien il n’y a qu’un principe principiel[3] (principium principale) ou il y en a plus d’un. S’il n’y en a qu’un, et non plusieurs, comme le soutiennent les ignorants, il faut nécessairement qu’il soit bon ou mauvais. Mais il ne saurait être mauvais, car s’il était tel, il ne procéderait de lui que des maux et non des biens, comme le dit le Christ dans l’évangile de saint Matthieu : « Tout arbre qui est mauvais, porte de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, ni un mauvais arbre en porter de bons » (Matth., VII, 17-18) ; et saint Jacques, dans son épître : « Une fontaine jette-t-elle, par une même ouverture, de l’eau douce et de l’eau amère ? Mes frères, un figuier peut-il porter des raisins ; ou une vigne, des figues ? Ainsi, nulle fontaine d’eau salée ne peut jeter de l’eau douce » (Jac., III, 11-12).

Commentaire :
Comme nous le verrons tout au long de l’ouvrage l’auteur effectue une analyse philosophique cohérente et systématique. Il fait un peu penser à la maïeutique de Socrate en étudiant chaque point en détail jusqu’à en prouver la fermeté ou l’incohérence. Ici, il utilise à la fois le Nouveau Testament et la Métaphysique de Aristote pour montrer que des causes opposées ne peuvent venir d’un même principe. En effet, par définition — comme le prouve Aristote — un principe ne peut être divisé en lui-même. Donc, il ne peut avoir qu’un genre et être sans cause. Ce qui en découle ne peut avoir que lui comme cause et est donc de même genre. Par conséquent, le bien et le mal étant opposés dans leur genre ne peuvent découler que de deux principes différents et opposés entre eux.

De la bonté de Dieu.

Nos adversaires affirment comme allant de soi, que Dieu est bon, saint, juste et droit et même ils l’appellent Bonté pure, déclarant qu’il est au-dessus de toute louange ; ce qu’ils s’efforcent de prouver par les témoignages suivants et par beaucoup d’autres du même genre. Jésus, fils de Syrach, dit, en effet : « Portez la gloire du Seigneur le plus haut que vous pourrez, elle éclatera encore au-dessus, et sa magnificence ne peut être assez admirée. Vous qui bénissez le Seigneur, relevez sa grandeur le plus haut que vous pourrez : car il est au-dessus de toutes louanges » (Eccli., XLIII, 33, 34). Et David déclare : « Le Seigneur est grand et digne d’être loué infiniment, et sa grandeur n’a point de bornes » (PS. CXLVI, 5). Et Paul dans l’Epître aux Romains : « Ô profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont impénétrables et ses voies incompréhensibles… et cetera (sic)… » (Rom., XI 33).
Et il écrit dans le Livre des causes[4] : « La cause première est au-dessus de tout ce qu’on en peut dire. »

Commentaire :
Comme Socrate, Jean de Lugio feint de donner raison à ses adversaires, mais cela lui servira ensuite à montrer l’incohérence de leur thèse. En effet, si comme à peu près tout le monde s’entend à le dire, Dieu ne peut être Dieu que s’il est à la fois parfait dans le bien et au-dessus de tout ce que l’on peut imaginer comme perfection du Bien. D’ailleurs, cela justifie que l’on emploie pour le désigner la majuscule en le déclarant principe du Bien. Tout amoindrissement en la matière le déchoirait automatiquement de son statut divin. Cela explique aussi que Dieu soit indéfinissable, puisque ce qui le définit nous est inatteignable.

Que Dieu connaît tout de toute éternité.

Ils tirent donc de ces témoignages l’affirmation catégorique que le Seigneur, à cause de la grandeur de sa sagesse, connaît toutes choses de toute éternité ; que le passé, le présent et l’avenir sont toujours sous ses yeux, et qu’il sait, par lui-même, toutes choses avant qu’elles arrivent, comme le dit Suzanne, au livre de Daniel : « Dieu éternel, qui pénétrez ce qui est le plus caché et qui connaissez toutes choses, avant même qu’elles soient faites » (Dan., XIII, 42). Et Jésus, fils de Syrach, nous dit lui aussi : « Car le Seigneur, notre Dieu, connaissait toutes les choses du monde avant qu’il les eût créées, et il les voit de même maintenant qu’il les a faites » (Eccli., XXIII, 29). Et l’Apôtre dit aux Hébreux : « Nulle créature ne lui est cachée : tout est à nu et à découvert devant ses yeux » (Hébr., IV, 13).

Commentaire :
Là encore, le statut divin implique l’omniscience, ce qui fait que rien ne peut échapper à sa sagacité. Donc, rien ne peut le surprendre ou advenir contre ce qu’il sait possible et nécessaire.

De la bonté, de la sainteté et de la justice de Dieu.

Que le Seigneur, notre Dieu, soit bon, saint et juste, comme il vient d’être dit, cela est assez clairement prouvé. David dit en effet : « Que Dieu est bon à Israël ; à ceux qui ont le cœur droit » (PS. LXXII, 1) ; et encore : « Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles et saint dans toutes ses œuvres » (PS. CXLIX, 13) ; et à nouveau : « Le Seigneur est plein de douceur et de droiture : c’est pour cela qu’il donnera à ceux qui pèchent la loi qu’ils doivent suivre dans la voie » (PS. XXIV, 8). Et à un autre endroit : « Dieu est un juge également juste, fort et patient : se met-il en colère tous les jours ? » (PS. VII, 12). Et l’on trouve écrit au livre de la Sagesse : « Étant donc juste comme vous êtes, vous gouvernez toute chose justement » (Sap., XII, 15).

Commentaire :
Le fait que Dieu est Dieu implique sa perfection en tout, ce que nous appelons sainteté et une bonté telle qu’il est considéré comme parfaitement juste et bon, c’est-à-dire qu’il n’est pas juste au sens commun qui implique le bien et le mal, mais juste au sens où rien ne le pousse à autre chose que le Bien absolu.

De la toute-puissance de Dieu.

Le Seigneur doit donc être considéré, à ce qu’ils disent, comme tout-puissant, et comme faisant ce qu’il veut. Personne ne peut s’opposer à lui et dire : « Pourquoi agissez-vous ainsi ? » L’Ecclésiaste l’affirme : « … Parce qu’il fera tout ce qu’il voudra. Sa parole est pleine de puissance et nul ne peut lui dire : Pourquoi faites-vous ainsi ? » (Eccl, VIII, 3, 4). David le dit également : « Mais notre Dieu est dans le ciel ; et tout ce qu’il a voulu, il l’a fait » (PS. CXIII, 2, 3). Et il est écrit dans l’Apocalypse : « Je suis, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était et qui doit venir, le Tout-Puissant » (Apoc., I, 8). On y lit encore : « Vos œuvres sont grandes et admirables. Seigneur Dieu Tout-Puissant, vos voies sont justes et véritables, ô Roi des siècles. Qui ne vous craindra, Seigneur ? Qui ne glorifiera votre nom ? Car vous seul êtes saint (plein de bonté) » (Apoc., XV, 3-4).

Commentaire :
La perfection absolue de Dieu fait qu’il peut tout ce qu’il veut et veut tout ce qu’il peut. Cela est indissociable sous peine de lui faire perdre son statut divin. Donc, son omnipotence et son omniscience font que rien ne peut échapper à sa sphère dans le cadre de son statut principiel, c’est-à-dire dans le Bien.

Première proposition contre nos adversaires.

Voici ce que j’oppose à la thèse de ceux qui affirment qu’il n’y a qu’un seul principe principiel. Je dis : si Dieu qui est bon, juste, saint, sage et droit, qui est « fidèle en toutes ses paroles et saint en toutes ses œuvres », qui est, en outre, comme on l’a déjà montré, tout-puissant, et qui sait toutes choses avant qu’elles aient eu lieu, a créé et disposé ses anges, dès le commencement, comme il l’a décidé par lui-même, sans rencontrer aucun obstacle venant de quelque existant ; s’il a connu la destination de tous ses anges avant même qu’ils fussent, puisque toutes les causes par lesquelles il fallait qu’ils déchussent et devinssent des maudits, des démons, demeuraient durant tout ce temps — comme le soutiennent presque tous nos adversaires — sous le regard de sa Providence, il s’ensuit nécessairement et sans aucun doute, que jamais ses anges n’ont eu le pouvoir de rester bons, saints et humbles avec leur Seigneur, sinon dans la mesure où l’avait prévu lui-même, dès le commencement, celui entre les mains de qui sont nécessairement toutes choses depuis l’éternité, puisque personne, en présence de ce Dieu qui connaît à fond tous les futurs, ne peut absolument rien faire d’autre que ce qu’il a prévu de toute éternité qu’il ferait. Et je le prouve :

Commentaire :
En définissant Dieu comme principe, Jean de Lugio précise que rien d’existant ne s’oppose à lui. Le Mal n’est donc « existant ». Il précise également que les anges (esprits-saints), émanation de sa nature principielle, n’ont aucun pouvoir à être et agir, de leur volonté propre, différemment de ce qu’il veut

De l’impossibilité.

Je dis, en effet : de même qu’il est impossible que le passé ne soit pas le passé, de même il est impossible que le futur ne soit pas le futur. En Dieu, surtout, qui sait et connaît depuis le commencement ce qui doit arriver, c’est-à-dire : les causes selon lesquelles le futur est « possible » avant d’être existant, il a été, sans aucun doute, nécessaire que l’avenir fût absolument déterminé dans sa pensée, puisqu’il savait et connaissait par lui-même, depuis l’éternité, toutes les causes qui sont nécessaires pour amener le futur à son effet. Et cela d’autant plus que, s’il est vrai qu’il n’y a qu’un principe principiel, Dieu est lui-même la cause suprême de toutes les causes. Et à plus forte raison encore, s’il est vrai que Dieu fait ce qu’il veut et que sa puissance n’est gênée par aucune autre, comme l’affirment les adversaires de la vérité.

Commentaire :
La nature divine empêche d’admettre que quoi que ce soit puisse advenir contre la volonté et à l’insu de Dieu dans le cadre de sa nature principielle.

Et je dis derechef : si Dieu a su parfaitement, dès l’origine, que ses anges deviendraient des démons dans le futur, en raison de l’organisation qu’il leur avait lui-même donnée dans le principe, et parce que toutes les causes par lesquelles il fallait que ces anges devinssent, par la suite, des démons, étaient présentes dans sa Providence ; s’il est vrai, d’autre part, que Dieu n’a pas voulu les créer autrement qu’il ne les a créés, il s’ensuit nécessairement que les anges n’ont jamais pu éviter de devenir des démons. Ils le pouvaient d’autant moins qu’il est impossible que ce que Dieu sait être le futur, puisse, de quelque façon, être changé en ce qui ne serait pas le futur ; et surtout si l’on considère que ce Dieu connaît tout en lui-même, de toute éternité, selon la théorie exposée plus haut.

Comment donc les ignorants peuvent-ils affirmer que les anges susdits auraient pu demeurer toujours bons, saints et humbles en présence de leur Seigneur, puisque cela était absolument impossible, de toute éternité dans la Providence divine ? Ils sont forcés de reconnaître, d’après leur propre thèse, et sur la foi de ces arguments très véridiques, que Dieu, dès l’origine, sciemment et en toute connaissance, a créé et fait ses anges en une imperfection telle qu’ils ne pussent en aucune façon éviter le Mal. Mais alors ce Dieu, dont nous avons dit précédemment qu’il était bon, saint et juste, et supérieur à toute louange (comme on l’a montré plus haut), serait la cause suprême et le principe de tout mal : ce qu’il convient de nier absolument. Par consé­quent, il faut reconnaître l’existence de deux principes : celui du Bien et celui du Mal, ce dernier étant la source (caput) et la cause de l’imperfection des anges comme d’ailleurs de tout le mal.

Commentaire :
Démonstration limpide et imparable. En effet, comment des anges créés dans le Bien auraient-ils pu devenir mauvais s’il n’y avait pas eu dans leur création tous les éléments nécessaires à cette transformation ? Donc, si Dieu avait créé les anges imparfaits afin qu’ils puissent devenir mauvais, cela voudrait dire qu’il avait en lui-même un fond mauvais et que, disposant à la fois du Bien et du Mal, il ne pouvait être un principe mais un composé, ce qui s’oppose formellement à l’hypothèse qu’il soit Dieu. Donc, si l’on rejette cette hypothèse complètement bancale, il convient d’admettre que le Mal provient d’une autre cause principielle. En outre ; Dieu ne peut agir contre le Mal ce qui serait contraire à sa nature, mais ni Dieu, ni le Mal ne peut agir sur le fonds de ce qui relève de l’autre principe.


[1] Un quaternion est un assemblage relié de quatre feuillets. Selon le format du feuillet, par exemple un in-octavo (8 pages par feuillet), la taille du quaternion est différente d’un autre. En l’occurrence, on peut penser que l’ouvrage initial pouvait atteindre 320 pages.
[2] Traduction de René Nelli.
[3] La répétition principe principiel vise à bien préciser qu’il s’agit de la définition du principe selon Aristote.
[4]. Le De causis, prop. 5 (A. Dondaine, op. cit., p. 82, note 6). Cet ouvrage faisait partie des  matériaux utilisés par saint Thomas d’Aquin. On le croyait d’Aristote.

Guilhem de Carcassonne

Rituel occitan de Lyon : La Consolation aux mourants

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament de Lyon publié chez Slatkine reprints à Genève à partir du document original de M. L. Clédat, Professeur à la Faculté des Lettres de Lyon.
Le seul original connu est actuellement la propriété de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon qui l’a indexé dans le catalogue des manuscrits de la bibliothèque du Palais Saint-Pierre sous la côte n°36.
D’après les travaux de Anne Brenon, David Sbiral et leur équipe, cet ouvrage pourrait être daté de la fin du XIIIe siècle et aurait été rédigé en Italie du nord. Ce faisant, il se pourrait qu’il ait été la propriété de Peire Autié ou d’un de ses prédicateurs.

Consolation aux mourants

Présentation

Un peu comme cela est le cas avec les derniers sacrements catholiques, la Consolation au mourant veut mettre ce dernier en état d’être accessible au salut. Cependant, c’est au malade de faire ce qu’il doit pour en être digne. Le sacrement n’est pas suffisant en lui-même.

Rituel

« Si les chrétiens auxquels le service de l’église est confié reçoivent un message d’un croyant malade, ils doivent y aller, et ils doivent lui demander en confidence comment il s’est conduit vis à vis de l’église depuis qu’il a reçu la foi, et s’il est en quoi que ce soit endetté vis à vis de l’église, ou s’il lui a causé du dommage. Et s’il doit quelque chose et qu’il puisse le payer, il doit le faire. Et s’il ne veut pas le faire, il ne doit pas être reçu. Car si l’on prie Dieu pour un homme coupable ou déloyal, cette prière ne peut profiter. Mais s’il ne peut payer, il ne doit pas être repoussé. »

Mon analyse :
Encore une fois, on le voit, l’engagement des Bons-Chrétiens envers l’Église et l’engagement de l’Église envers les croyants n’est pas une façade. Il est profond et ne souffre pas de dérogation. Les Bons-Chrétiens prenaient tous les risques pour se rapprocher des croyants demandant leur aide. Les Cathares insistaient sur la nécessaire validité de l’officiant et la pureté du récipiendaire pour que le sacrement soit valide. Si l’Église est stricte dans l’exigence du règlement des dettes ou des offenses, elle demeure bienveillante vis-à-vis des faibles.

« Et les chrétiens doivent lui montrer l’abstinence et les coutumes de l’église. Et puis ils doivent lui demander, pour le cas où il serait reçu, s’il a l’intention de les observer. Et il ne doit pas le promettre s’il n’en a pas bien fermement l’intention. Car Saint Jean dit que la part des menteurs sera dans un étang de feu et de soufre[1] (Apoc. XXI, 8). Et s’il dit qu’il ne se sent pas assez ferme pour souffrir toute cette abstinence, et si les chrétiens sont d’accord pour le recevoir, ils doivent lui imposer l’abstinence de telle façon qu’ils lui demandent s’il se propose de se garder de mentir et de jurer et d’enfreindre les autres défenses de Dieu, et [s’il se propose] d’observer les coutumes de l’église et les commandements de Dieu, et de tenir son cœur et ses biens, tels qu’il les a ou qu’il les aura dans l’avenir, au gré de Dieu et de l’église et au service des chrétiens et des chrétiennes, toujours dorénavant tant qu’il pourra. Et s’il dit que oui, ils doivent répondre : « Nous vous imposons cette abstinence pour que vous la receviez de Dieu et de nous et de l’église, et que vous l’observiez tant que vous vivrez ; car si vous l’observez bien, avec les autres que vous avez à faire, nous avons l’espérance que votre âme aura la vie. » Et il doit dire : « Je la reçois de Dieu et de vous et de l’église. »

Mon analyse :
Faute de pouvoir assurer un vrai noviciat, les Bons-Chrétiens essaient d’amener le croyant mourant à atteindre l’état de renoncement au monde nécessaire à la transmission de l’Oraison dominicale et au sacrement de la Consolation.

« Et puis ils lui demander s’il veut recevoir l’oraison. Et s’il dit que oui, qu’ils le revêtent de chemise et de braies, si faire se peut, et qu’ils le fassent tenir sur son séant, s’il peut lever les mains. Et qu’ils mettent une nappe ou un autre drap devant lui sur le lit. Et sur ce drap qu’ils mettent le livre, et qu’ils disent une fois Benedicite, et trois fois Adoremus patrem et filium et spiritum sanctum. Et il doit prendre le livre de la main de l’ancien. Et puis, s’il peut attendre, celui qui conduit le service doit l’admonester et le prêcher avec témoignages convenables. Et puis il doit lui demander, à propos de la promesse qu’il a faite, s’il a l’intention de l’observer et de la tenir comme il l’a faite. Et s’il dit que oui, qu’ils la lui fassent confirmer. »

Mon analyse :
Là encore, le manque de temps et des capacités du malade à respecter les règles précises autorise des adaptations mais cela n’empêche d’essayer de faire au mieux. Pour les Bons-Chrétiens et les croyants, même administré à un mourant le sacrement peut aider à son salut, c’est pourquoi il ne faut pas que de leur faute, il puise s’avérer invalide.

« Et puis ils doivent lui passer l’oraison, et il doit la suivre. Et puis que l’ancien lui dise : « C’est l’oraison que Jésus-Christ a apportée dans ce monde, et il l’a enseignée aux « bons hommes. Et que jamais vous ne mangiez ni ne buviez aucune chose, que vous ne disiez premièrement cette oraison. Et si vous y apportiez de la négligence, il faudrait que vous en portassiez pénitence. » Il doit dire : « Je la reçois de Dieu et de vous et de l’église. » Et puis qu’ils le saluent comme une femme. Et puis ils doivent prier Dieu avec « double » et avec veniæ, et puis ils doivent remettre le livre devant lui. Et puis il doit dire trois fois : Adoremus patrem et filium et spiritum sanctum. Et puis qu’il prenne le livre de la main de l’ancien, et l’ancien doit l’admonester avec témoignages et avec telles paroles qui conviennent au consolamentum. Et puis l’ancien doit lui demander s’il a l’intention de tenir et d’observer la promesse comme il l’a faite et qu’il la lui fasse confirmer. »

Mon analyse :
J’avoue qu’il y a là une phrase qui me pose problème. Que veut dire l’auteur en précisant que le mourant — donc a priori un homme — doit être salué comme une femme ? Est-ce à dire qu’il doit y avoir de la distance entre la main de l’officiant et la tête du récipiendaire, même couverte du Livre ? Je ne peux l’affirmer.

« Puis l’ancien doit prendre le livre, et le malade doit s’incliner et dire : « Parcite nobis. Pour tous les péchés que j’ai faits ou dits ou pensés, je demande pardon à Dieu et à l’église et à vous tous. » Et les chrétiens doivent dire : « Par Dieu et par nous et par l’église qu’ils vous soient pardonnés, et nous prions Dieu qu’il vous les pardonne. » Et puis ils doivent le consoler en lui posant les mains et le livre sur la tête, et dire : Benedicite parcite nobis, amen ; fiat nobis secundum verbum tuum. Pater et filius et spiritus sanctus parcat vobis omnia peccata vestra. Adoremus patrem et filium et spiritum sanctum trois fois, et puis : Pater sancte, suscipe servum tuum in tua justitia, et mitte gratiam tuam et spiritum sanctum tuum super eum. Et si c’est une femme, ils doivent dire : Pater sancte suscipe ancillam tuam in tua justitia, et mitte gratiam tuam et spiritum sanctum tuum super eam. Et puis qu’ils prient Dieu avec l’oraison, et ils doivent dire à voix basse la « sixaine ». Et quand la « sixaine » sera dite, ils doivent dire trois fois : Adoremus patrem et filium et spiritum sanctum, et l’oraison une fois à haute voix, et puis l’évangile. Et quand l’évangile est dit, ils doivent dire trois fois : Adoremus patrem et filium et spiritum sanctum, et l’oraison une fois à haute voix. Et puis qu’ils la saluent comme un homme. Et puis ils doivent faire la paix (s’embrasser) entre eux et avec le livre. Et s’il y a des croyants ou des croyantes, qu’ils fassent la paix. Et puis les chrétiens doivent demander le salut[2] et le rendre. »

Mon analyse :
La Consolation se déroule normalement avec une légère variante selon le sexe du récipiendaire. Ensuite, vient une nouvelle fois une phrase énigmatique : « Et puis qu’ils la saluent comme un homme ». S’agit-il d’une coquille typographie ? Cela serait logique car l’idée de saluer d’abord comme une femme, puis ensuite comme un homme montrerait une conception de progression pour l’époque. Mais saluer une femme comme un homme, est impossible dans le respect de la règle de non contact physique entre un Bon-Chrétien et une personne du sexe opposé. D’ailleurs, le Caretas qui suit rappelle bien cette règle puisqu’il se pratique soit en direct, soit avec le Livre.

« Et si le malade meurt et leur laisse ou leur donne quelque chose, ils ne doivent pas le garder pour eux ni s’en emparer, mais il doivent le mettre à la disposition de l’ordre. Si le malade survit, les chrétiens doivent le présenter à l’ordre, et prier qu’il se console de nouveau le plus tôt qu’il pourra ; et qu’il en fasse sa volonté. »

Mon analyse :
Là encore, la règle est claire. Pas d’appropriation personnelle et retour à une procédure classique si le patient guérit. Il devra faire son noviciat et être consolé de nouveau.

[1] Apocalyse de Jean (XXI, 8) : « Mais les craintifs, les mécréants, les horribles, les meurtriers, les prostitueurs, les drogueurs, les idolâtres et tous les menteurs, leur part est dans l’ardent étang de feu et de soufre qui est la seconde mort. »
[2] Le salut : l’Amélioration.

Rituel occitan de Lyon : La Règle des Bons-Chrétiens

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament de Lyon publié chez Slatkine reprints à Genève à partir du document original de M. L. Clédat, Professeur à la Faculté des Lettres de Lyon.
Le seul original connu est actuellement la propriété de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon qui l’a indexé dans le catalogue des manuscrits de la bibliothèque du Palais Saint-Pierre sous la côte n°36.
D’après les travaux de Anne Brenon, David Sbiral et leur équipe, cet ouvrage pourrait être daté de la fin du XIIIe siècle et aurait été rédigé en Italie du nord. Ce faisant, il se pourrait qu’il ait été la propriété de Peire Autié ou d’un de ses prédicateurs.Read more

Rituel occitan de Lyon : Sacrement de la Consolation

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament de Lyon publié chez Slatkine reprints à Genève à partir du document original de M. L. Clédat, Professeur à la Faculté des Lettres de Lyon.
Le seul original connu est actuellement la propriété de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon qui l’a indexé dans le catalogue des manuscrits de la bibliothèque du Palais Saint-Pierre sous la côte n°36.
D’après les travaux de Anne Brenon, David Sbiral et leur équipe, cet ouvrage pourrait être daté de la fin du XIIIe siècle et aurait été rédigé en Italie du nord. Ce faisant, il se pourrait qu’il ait été la propriété de Peire Autié ou d’un de ses prédicateurs.Read more

Rituel occitan de Lyon : la sainte Oraison dominicale

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament de Lyon publié chez Slatkine reprints à Genève à partir du document original de M. L. Clédat, Professeur à la Faculté des Lettres de Lyon.
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Rituel occitan de Lyon : Service ou Apparelhement

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament de Lyon publié chez Slatkine reprints à Genève à partir du document original de M. L. Clédat, Professeur à la Faculté des Lettres de Lyon.
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Service (Servici) ou Apparelhement

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Traité cathare anonyme – 8

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Retrouvé dans le Liber contra Manicheos de Durand de Huesca, vaudois converti au catholicisme, ce traité — dont il ne reste que des extraits — est d’autant plus intéressant que ce moine catholique déploie de grands efforts pour tenter de le réfuter. Entièrement construit à partir de références scripturaires, ce traité comporte très peu de commentaires de l’auteur, ce qui le rend d’autant plus utile pour valider sa démonstration. L’auteur de ce traité serait Barthélémy de Carcassonne qui aurait pu être un représentant en Languedoc d’un haut dignitaire cathare de Bosnie. Ce document semble être un outil préparé en vue de controverse ou d’enseignement et utilisant les sources scripturaires afin de conforter la doctrine cathare dyarchienne.

Le présent document est une traduction de René Nelli publié dans le recueil « Écritures cathares » publié par les éditions du Rocher dans une édition actualisée et augmentée par Anne Brenon en 1995. Pour respecter le droit des auteurs je ne vous livrerai ni la préface, ni les notices que vous trouverez dans le livre. J’espère qu’en ne publiant que la traduction je ne causerai aucun tort à personne et je permettrai à tous d’accéder à cet ouvrage essentiel à la compréhension de la doctrine cathare.Read more

Traité cathare anonyme – 7

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Retrouvé dans le Liber contra Manicheos de Durand de Huesca, vaudois converti au catholicisme, ce traité — dont il ne reste que des extraits — est d’autant plus intéressant que ce moine catholique déploie de grands efforts pour tenter de le réfuter. Entièrement construit à partir de références scripturaires, ce traité comporte très peu de commentaires de l’auteur, ce qui le rend d’autant plus utile pour valider sa démonstration. L’auteur de ce traité serait Barthélémy de Carcassonne qui aurait pu être un représentant en Languedoc d’un haut dignitaire cathare de Bosnie. Ce document semble être un outil préparé en vue de controverse ou d’enseignement et utilisant les sources scripturaires afin de conforter la doctrine cathare dyarchienne.

Le présent document est une traduction de René Nelli publié dans le recueil « Écritures cathares » publié par les éditions du Rocher dans une édition actualisée et augmentée par Anne Brenon en 1995. Pour respecter le droit des auteurs je ne vous livrerai ni la préface, ni les notices que vous trouverez dans le livre. J’espère qu’en ne publiant que la traduction je ne causerai aucun tort à personne et je permettrai à tous d’accéder à cet ouvrage essentiel à la compréhension de la doctrine cathare.Read more

Traité cathare anonyme – 6

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Retrouvé dans le Liber contra Manicheos de Durand de Huesca, vaudois converti au catholicisme, ce traité — dont il ne reste que des extraits — est d’autant plus intéressant que ce moine catholique déploie de grands efforts pour tenter de le réfuter. Entièrement construit à partir de références scripturaires, ce traité comporte très peu de commentaires de l’auteur, ce qui le rend d’autant plus utile pour valider sa démonstration. L’auteur de ce traité serait Barthélémy de Carcassonne qui aurait pu être un représentant en Languedoc d’un haut dignitaire cathare de Bosnie. Ce document semble être un outil préparé en vue de controverse ou d’enseignement et utilisant les sources scripturaires afin de conforter la doctrine cathare dyarchienne.

Le présent document est une traduction de René Nelli publié dans le recueil « Écritures cathares » publié par les éditions du Rocher dans une édition actualisée et augmentée par Anne Brenon en 1995. Pour respecter le droit des auteurs je ne vous livrerai ni la préface, ni les notices que vous trouverez dans le livre. J’espère qu’en ne publiant que la traduction je ne causerai aucun tort à personne et je permettrai à tous d’accéder à cet ouvrage essentiel à la compréhension de la doctrine cathare.Read more

Traité cathare anonyme – 5

Manuscrits
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Retrouvé dans le Liber contra Manicheos de Durand de Huesca, vaudois converti au catholicisme, ce traité — dont il ne reste que des extraits — est d’autant plus intéressant que ce moine catholique déploie de grands efforts pour tenter de le réfuter. Entièrement construit à partir de références scripturaires, ce traité comporte très peu de commentaires de l’auteur, ce qui le rend d’autant plus utile pour valider sa démonstration. L’auteur de ce traité serait Barthélémy de Carcassonne qui aurait pu être un représentant en Languedoc d’un haut dignitaire cathare de Bosnie. Ce document semble être un outil préparé en vue de controverse ou d’enseignement et utilisant les sources scripturaires afin de conforter la doctrine cathare dyarchienne.

Le présent document est une traduction de René Nelli publié dans le recueil « Écritures cathares » publié par les éditions du Rocher dans une édition actualisée et augmentée par Anne Brenon en 1995. Pour respecter le droit des auteurs je ne vous livrerai ni la préface, ni les notices que vous trouverez dans le livre. J’espère qu’en ne publiant que la traduction je ne causerai aucun tort à personne et je permettrai à tous d’accéder à cet ouvrage essentiel à la compréhension de la doctrine cathare.Read more