Ascension d’Isaïe – 4


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Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Avant-propos, introduction et note par François Bovon et Pierre Géoltrain.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.
Ce texte est celui dont l’on sait que la version en vieux slave fut utilisée par les Bogomiles et la version latine par les Cathares des XIIe et XIIIe siècle. Il relate une vision du prophète à l’occasion de sa mise à mort, en raison de l’annonce prophétique qu’il fait de la venue du Christ et de la défaite du diable.

Ascension d’Isaïe – 4

La descente du Seigneur.

16 – J’entendis la Grande Gloire donner ces ordres à mon
Seigneur.
17 – Et ainsi je vis quand mon Seigneur sortit du
septième ciel, dans le sixième ciel.
18 – Et l’ange qui m’avait
conduit depuis ce monde était avec moi, et il me dit : « Comprends, Isaïe, et regarde, afin que tu voies la transformation du Seigneur et sa descente. »
19 – Et je vis, et alors, lorsqu’ils virent le Seigneur, les anges du sixième ciel le
glorifièrent et le louèrent, car il ne s’était pas transformé
selon l’aspect des anges qui étaient là ; et ils le glorifièrent,
et moi aussi, je le glorifiai avec eux.
20 – Et je vis, lorsqu’il descendit dans le cinquième ciel et s’assimila à ceux qui étaient dans le cinquième ciel, selon l’aspect des anges qui étaient là et ils ne le glorifièrent pas, car son aspect était comme le leur.
21 – Et alors il descendit dans le quatrième ciel et il s’assimila à l’aspect des anges qui étaient là ;
22 – et, lorsqu’ils le virent, ils ne le glorifièrent pas et ne le louèrent pas, car son aspect était comme leur aspect.
23 – Et de nouveau je vis quand il descendit dans le troisième ciel et s’assimila à l’aspect des anges qui étaient dans le sixième ciel ;
24 – et ceux qui gardaient la porte des cieux demandèrent le mot de passe, et le Seigneur le leur donna afin de ne pas être reconnu ; et, lorsqu’ils le virent, ils ne le glorifièrent pas et ne le louèrent pas, car son aspect était comme leur aspect.
25 – Et de nouveau je vis quand il descendit dans le deuxième ciel, et là, encore une fois, il donna le mot de passe, car ceux qui gardaient les portes le demandaient, et il le leur donnait.
26 – Et je vis quand il s’assimila à l’aspect des anges qui étaient dans le deuxième ciel, et ils le virent et ne le glorifièrent pas, car son aspect était comme leur aspect.
27 – Et de nouveau je le vis lorsqu’il descendit dans le premier ciel, et là aussi il donna le mot de passe à ceux qui gardaient les portes, et il s’assimila à l’aspect des anges qui étaient à la gauche de ce trône ; et ils ne le glorifièrent pas et ne le louèrent pas, car son aspect et comme leur aspect.
28 – Mais moi, il n’y eut personne qui m’interrogeât, à cause de l’ange qui me guidait.
29 – Et de nouveau il descendit dans le firmament, où
habite le prince de ce monde, et il donna le mot de passe
à ceux qui étaient à gauche ; et son aspect était comme le
leur, et, là aussi, ils ne le glorifièrent pas, mais par envie ils
se battaient l’un contre l’autre, car il y avait là la puissant
du mal, et de l’envie pour des riens.
30 – Et je vis quand il
descendit et s’assimila aux anges de l’air, et il fut lui-même
comme l’un d’eux ;
31 – et il ne donna pas de mot de passa
car ils se volaient et s’opprimaient l’un l’autre.

Mon analyse :
Isaïe nous décrit le trajet, inverse au sien mais conforme en tous points quant à la nature des anges. En effet, le sixième ciel étant sous l’autorité du septième Christ n’a pas besoin de changer d’aspect pour le traverser. Mais, du cinquième au premier, il doit changer d’aspect, au point de n’être pas reconnu et de devoir donner un mot de passe. Enfin, dans le firmament, règne le chaos du démiurge et plus personne ne surveille.

Le Seigneur dans le monde.

1 – Et après cela je vis, et l’ange qui parlait avec moi, qui me guidait, me dit : « Comprends, Isaïe, fils d’Amos, car c’est pour cela que j’ai été envoyé par le SEIGNEUR.
2 – Et moi, je vis une femme, de la famille du prophète David, du nom de Marie ; elle était vierge et était fiancée à un homme du nom de Joseph — un artisan, lui aussi de la descendance et de la famille de David le juste —, qui était de Bethléem de Juda,
3 – et qui entra en possession de son lot. Et, lorsqu’elle fut fiancée, elle fut trouvée enceinte et Joseph, l’artisan, voulut, la renvoyer.
4 – Mais l’ange de l’Esprit apparut dans ce monde, et après cela Joseph ne renvoya pas Marie et la garda ; mais lui ne révélait à personne cette affaire.
5 – Et il ne s’approcha, pas de Marie, et la garda comme une vierge sainte, bien qu’elle fût grosse.
6 – Et il n’habita pas avec elle pendant deux mois.
7 – Et, après deux mois, Joseph était à la maison, ainsi que Marie sa femme, mais tous les deux seuls ;
8 – et il arriva, tandis qu’ils étaient seuls, que Marie regarda soudain et vit un petit enfant, et elle fut effrayée.
9 – Et, après avoir été effrayée son ventre se trouva comme auparavant, avant qu’elle n’eut conçu.
10 – Et, lorsque son mari Joseph lui dit : « Qu’est-ce qui t’a effrayée ? », ses yeux s’ouvrirent et il vit l’enfant, et il glorifia le Seigneur, car le Seigneur était venu dans son lot.
11 – Et une voix se fit entendre d’eux : « Ne dites cette vision à personne. »
12 – Mais une rumeur se répandit à Bethléem au sujet de l’enfant ;
13 – il y en avait qui disaient : « La vierge Marie a enfanté, alors qu’il n’y avait pas deux mois qu’elle était mariée » ;
14 – et beaucoup disaient : « Elle n’a pas enfanté, il n’est pas monté de sage-femme, et nous n’avons pas entendu les cris des douleurs. » Et ils étaient tous aveugles au sujet de l’enfant, et tous, ils ne croyaient pas en lui, et ils ne savaient pas d’où il était.
15 – Et ils le prirent et se rendirent à Nazareth de Galilée.
16 – Et je vis, Ézéchias et Yasub, mon fils et je parle aussi aux autres prophètes qui sont
là —, qu’il resta caché à tous les cieux, et à tous les princes, et à tous les dieux de ce monde.
17 – Et je vis : à Nazareth il
tétait comme un enfant, et il tétait selon l’usage, afin de ne
pas être connu.
18 – Et, lorsqu’il eut grandi, il accomplit des
grands signes et miracles dans la terre d’Israël et à Jérusalem.
19 – Et, après cela, l’Étranger l’envia et excita les fils d’Israël
contre lui, car ils ne savaient pas qui il était ; et ils le livrèrent
au roi, et le crucifièrent, et le firent descendre vers l’ange
qui est dans le Schéol.
20 – À Jérusalem, donc, je le vis alors
qu’ils le crucifiaient sur le bois,
21 – et je vis également
qu’après le troisième jour il ressuscita et il demeura plusieurs
jours.
22 – Et l’ange qui me guidait me dit : « Comprends, Isaïe. » Et je vis lorsqu’il envoya les douze disciples et qu’il
 monta.

Mon analyse :
Voici un moment essentiel, comme l’explique l’ange à Isaïe. L’explication qui suit reprend celle des évangiles catholiques, à un détail près. Marie est enceinte sans action physique et elle n’accouche pas mais, après seulement deux mois, elle découvre le bébé à côté d’elle avec surprise. On comprend que la grossesse est un simulacre, mais on peut s’étonner qu’il soit si mal mis en œuvre, car en effet, il ne trompe pas les autres femmes. La passion de Jésus est attribuée à l’action de l’Étranger — comme il est nommé dans la parabole du bon grain et de l’ivraie —, qui provoque la mort apparente de Christ avant sa descente aux enfers, où il n’entre pas, comme nous a déjà été expliqué. Enfin, Isaïe va nous décrire l’ascension de Christ.

L’ascension glorieuse.

23 – Et moi, je le vis, et il fut dans le firmament, et il ne se transforma pas selon leur aspect ; et tous les anges du firmament et Satan le virent, et ils adorèrent.
24 – Et il y eut là une grande tristesse, et ils disaient : « Comment, notre Seigneur est descendu sur nous, et nous n’avons pas compris la gloire qui était sur lui ? Nous voyons qu’elle se trouvait sur lui depuis le sixième ciel. »
25 – Et à monta dans le deuxième ciel et il ne se transforma pas, mais tous les anges qui sont à droite et à gauche, et le trône lui-même au milieu,
26 – l’adoraient et le glorifiaient, et ils disaient : « Comment, le Seigneur était caché en descendant, et nous n’avons pas compris ? »
27 – Et, de même, il monta dans le troisième ciel — et ils le glorifièrent et parlèrent de même —,
28 – et dans le quatrième ciel et dans le cinquième — et ils parlèrent de la même façon.
29 – Mais la gloire était unique, et ensuite il ne se transforma pas.
30 – Et je le vis quand monta dans le sixième ciel, et ils l’adorèrent et le glorifièrent ;
31 – mais, de ciel en ciel, la louange augmentait.
32 – Et je le vis lorsqu’il monta, dans le septième ciel, et tous les justes et tous les anges le glorifièrent. Et, alors, je le vis s’asseoir à la droite de cette Grande Gloire, dont je vous ai dit que je n’avais pas pu regarder la gloire.
33 – Et je vis aussi l’ange du Saint-Esprit s’asseoir à la gauche,
34 – l’ange qui me dit : « Isaïe fils d’Amos, je te libère, car ce sont de grandes choses, car tu as contemplé ce qu’aucun fils de la chair n’a contemplé.
35 – Tu retourneras dans ton vêtement jusqu’à ce que tes jours soient accomplis, et alors tu viendras ici. »
36 – Ces choses, je les vis.

Mon analyse :
Dans le firmament, même Satan l’adore, conscient de son échec. Les anges, eux, sont tristes de ne pas avoir su le reconnaître. De même qu’à sa montée, Isaïe avait remarqué que chaque ciel était meilleur que le précédent, la glorification rendue à Christ suit le même principe. Enfin, il va s’asseoir à la droite de Dieu qui reste impossible à regarder par l’humain qu’est Isaïe. Enfin, ce dernier est prié de retourner sur terre pour témoigner.

Conclusion : l’autorité de la vision.

Isaïe les dit à tous ceux qui se tenaient devant lui, et rendirent gloire. Et il parla au roi Ézéchias, et il dit : « Ces choses, comme je les ai dites,
37 – et la consommation de ce monde,
38 – et toute cette vision s’accompliront dans la dernière génération. »
39 Et Isaïe lui fit jurer de ne pas parler au peuple d’Israël, et de ne donner ces paroles à transcrire a aucun être humain.
40 – « Et, alors, ils les liront Et vous, de votre côté, soyez dans l’Esprit saint, afin de recevoir vos vêtements, les trônes et les couronnes de gloire qui sont déposés au septième ciel. »
41 – C’est a cause de ces visions et de ces prophéties que Sammaël Satan scia, par la main de Manassé, Isaïe le prophète, fils d’Amos.
42 – Et, toutes ces choses, Ézéchias les transmit à son fils Manassé la vingt-sixième année de son règne ;
43 – mais Manassé ne s’en souvint pas et il ne garda pas ces choses en son cœur, mais, en servant Satan, il s’en alla à la perdition.
Ici se termine la vision du prophète Isaïe, fils d’Amos, avec son ascension.

Mon analyse :
La remarque du verset 38 permet de comprendre l’atmosphère apocalyptique des hommes de la première génération du Christianisme. Ils étaient tous persuadés de la proximité de la fin du monde et du retour en gloire de Christ. Bien entendu, l’auteur attribue à cette expérience unique la fin tragique d’Isaïe.

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