Ascension d’Isaïe – 2


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Ascension d’Isaïe – 2

Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Avant-propos, introduction et note par François Bovon et Pierre Géoltrain.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.
Ce texte est celui dont l’on sait que la version en vieux slave fut utilisée par les Bogomiles et la version latine par les Cathares des XIIe et XIIIe siècle. Il relate une vision du prophète à l’occasion de sa mise à mort, en raison de l’annonce prophétique qu’il fait de la venue du Christ et de la défaite du diable.

Ascension d’Isaïe : Chapitre 2

Les cinq premiers cieux.

13 – Après cela, il me fit monter au-dessus du firmament c’est-à-dire dans le ciel.
14 – Et, là, je vis un trône au milieu, et à sa droite et à sa gauche il y avait des anges.
15 – Et <les anges de gauche> n’étaient pas comme les anges de droite, mais ceux de droite avaient beaucoup de gloire ; ils rendaient gloire tous d’une seule voix : le trône[1] était au milieu, et c’est lui qu’ils glorifiaient. Ceux de gauche rendaient gloire après eux, mais leur voix n’était pas comme la voix de ceux de droite, et leur louange n’était pas comme la louange de ceux-là.
16 – J’interrogeai l’ange qui me guidait, et je lui dis : « Cette louange, à qui est-elle envoyée ? »
17 – Et il me dit : « À la gloire du septième ciel, à celui qui repose dans le monde saint et à son Bien-Aimé, d’où j’ai été envoyé vers toi ; c’est là-haut qu’elle est envoyée. »

Mon analyse :
Ce texte est chargé de symbolisme. Notamment on y retrouve la hiérarchie des cieux, empilés sur sept niveaux au-dessus du firmament (la voûte céleste visible), qui nous séparent du dernier niveau où réside Dieu et ses anges. On remarque aussi la latéralisation qualitative entre les anges de droite et ceux de gauche. Il ne devait pas faire bon d’être gaucher à l’époque.

18 – Et de nouveau il me fit monter, dans le deuxième ciel ; la hauteur de ce ciel est comme celle du ciel à la terre {et au firmament}.
19 – Et <je vis, là, comme j’avais vu> dans le premier ciel, à droite et à gauche des anges — et il y avait un trône au milieu —, et la louange des anges qui sont dans le deuxième ciel ; celui qui était assis sur le trône au deuxième ciel, je vis en lui une gloire plus grande que tout
20 – Et il y avait beaucoup de gloire dans le deuxième ciel, et leur louange n’était pas comme la louange de ceux du premier ciel.
21 – Et je tombai face contre terre pour l’adorer ; et l’ange qui me guidait ne le permit pas, mais il me dit : « N’adore ni trône ni ange qui soient des six cieux — c’est pourquoi j’ai été envoyé pour te guider —, mais celui que moi je te désignerai, au septième ciel.
22 – Car au-dessus de tous les cieux et de leurs anges sont placés ton trône, ton vêtement et ta couronne, que tu dois voir. »
23 – Et je me réjouis d’une grande joie, car ceux qui aiment le Très-Haut et son Bien-Aimé montent là, à leur mort, par l’ange du Saint-Esprit.

Mon analyse :
De la même façon chaque ciel est plus saint que le précédent et moins que le suivant. L’immense distance entre les cieux est rendue par la remarque sur l’éloignement correspondant à la distance terre-firmament. L’ange indique qu’il faut atteindre le septième ciel pour y trouver quelqu’un qui soit digne d’adoration. Il précise également que nous sommes attendus à ce dernier niveau pour y revêtir nos marques de sainteté après notre mort.

24 – Et il me fit monter au troisième ciel, et pareillement je vis les anges de droite et de gauche, et, là aussi, un trône au milieu et celui qui était assis ; mais la mémoire de ce monde n’était pas mentionnée là.
25 – Et je dis à l’ange qui était avec moi, car la gloire de mon visage se transformait lorsque je montais de ciel en ciel : « Il n’y a donc rien de ce monde vain qui soit mentionné ici ? »
26 – Il me répondit en disant : « Il n’y a rien qui soit mentionné à cause de la faiblesse de ce monde ; et il n’y a rien qui sois caché de ce qui est fait là-bas. »
27 – Et je voulus savoir comment cela est connu ; il me répondit : « Quand je t’aurai fait monter dans le septième ciel, d’où j’ai été envoyé, dans celui qui est au-dessus de ceux-ci, alors tu sauras qu’il n’y a rien qui soit caché aux trônes, à ceux qui résident dans les cieux et aux anges. » Et la louange que chantaient les anges et la gloire de celui qui était assis sur le trône étaient plus grandes ; et la gloire des anges de droite et de gauche était plus grande dans ce ciel que dans celui qui était au-dessous d’eux.

Mon analyse :
Ce qui apparaît à ce niveau c’est la faiblesse du monde, certainement liée à l’éloignement de Dieu. On note, comme dans d’autres textes juifs analogues, la transformation de l’apparence de celui qui traverse les cieux. Cela nous renvoie à la kénose évoquée par les Cathares concernant Christ quand il descendit sur terre.

28 – Et de nouveau il me fit monter, au quatrième ciel ; la hauteur du troisième au quatrième ciel était plus grande que de la terre jusqu’au firmament.
29 – Et là, de nouveau, je vis les anges de droite et ceux de gauche, et celui qui était assis sur le trône était au milieu ; et là aussi, les anges louaient.
30 – La louange et la gloire des anges de droite étaient plus grandes que celles de ceux de gauche ;
31 – et, de même, la gloire de celui qui était assis sur le trône était plus grande que celle des anges de droite, mais leur gloire était plus grande que la gloire de ceux qui étaient au-dessous.
32 – Il me fit monter au cinquième ciel.
33 – Et de nouveau je vis les anges de droite et de gauche ; et celui qui était assis sur le trône — je vis en lui une gloire plus grande que celle de celui du quatrième ciel.
34 – Mais la gloire des anges de droite était plus grande que la gloire de deux de gauche, et cela bien plus qu’au troisième et qu’au quatrième ciel ;
35 – la gloire de celui qui était sur le trône était plus grande que la gloire des anges de droite ;
36 – et leur louange avait une grande gloire, plus grande qu’au quatrième ciel.
37 – Et je louai celui qui n’est pas nommé, et l’Unique qui existe dans les cieux, dont le nom n’a été révélé à aucune chair, lui qui a donné une telle gloire de ciel en ciel, qui a fait grande la gloire des anges et a fait plus grande la gloire de celui qui est assis sur le trône.

Mon analyse :
Chaque niveau se répète de façon identique et la distance entre les cieux augmente. L’extrême hiérarchisation montre bien l’anthropomorphisme qui est à la base de nos représentations mentales.

Au sixième ciel.

1 – Et de nouveau il me fit monter, dans l’air du sixième ciel ; et je vis une gloire que je n’avais pas vue dans les cinq cieux, tandis que je montais,
2 – et des anges, qui étaient dans une grande gloire.
3 – Là, la louange était sainte et admirable.
4 – Et je dis à l’ange qui me guidait : « Qu’est-ce que je vois, mon seigneur ? »
5 – Et il me dit : « Moi, je ne
suis pas ton seigneur, mais je suis ton compagnon. »
6 – Et
je l’interrogeai de nouveau, et je lui dis : « Pourquoi ne te
définis-tu pas compagnon des anges ? »
7 – Et il me dit : « Depuis le sixième ciel, et au-dessus, il n’y a plus d’anges de gauche, désormais, ni de trône placé au milieu ; mais ces anges sont dirigés par la puissance du septième ciel, où habite Celui qui n’est pas nommé et son Élu, dont le nom n’est pas révélé, et dont aucun des cieux ne peut connaître le nom.
8 – Car il est le seul à la voix duquel répondent tous les cieux et les trônes. Moi, donc, j’ai été doué de pouvoir et j’ai été envoyé pour te faire monter ici, afin que tu voies cette gloire,
9 – et que tu voies le Seigneur de tous ces cieux et de ces trônes
10 – se transformer jusque devenir selon votre aspect et selon votre ressemblance.

Mon analyse :
Le sixième ciel marque un changement. Il est sous la dépendance directe de Dieu et de Christ. Le rappel que le nom de Dieu et de son Élu sont inconnus nous renvoie aux évangiles dans lesquels, seuls les démons pouvaient reconnaître en Jésus, l’envoyé de Dieu et aux textes vétéro-testamentaires qui nous montrent en Iahvé, un dieu qui se donne à connaître. Les verset 9 et 10 signalent les changements qui s’opèrent quand un mort atteint ce niveau.

11 – Quant à moi, je te le dis, Isaïe, aucun homme destiné à revenir dans la chair de ce monde n’a vu, ni n’est monté, ni n’a compris ce que toi tu as vu et ce que tu dois voir :
12 – car c’est dans la part du Seigneur, dans la part du bois, que tu dois venir ici. Et de là vient la puissance du sixième et de l’air. »
13 – Et j’exaltai, dans la louange, mon Seigneur, car c’est dans sa part que je dois venir ici.
14 – Et il me dit : « Écoute donc encore ceci de ton compagnon : lorsque, de la chair étrangère, par l’ange de l’Esprit tu monteras ici, alors tu recevras le vêtement que tu verras — et tu verras également d’autres vêtements comptés, déposés —,
15 – et alors tu seras égal aux anges qui sont au septième ciel. »

Mon analyse :
Isaïe est informé de ce qui se passera à sa mort et comment il reviendra ici pour y abandonner sa chair terrestre (étrangère) et revêtir sa tenue céleste.

16 – Et il me fit monter dans le sixième ciel, et il n’y avait pas d’anges de gauche ni de trône au milieu, mais l’aspect de tous était unique, et leur louange était égale.
17 – Et il me fut donné, à moi aussi, ainsi qu’à cet ange, de rendre gloire avec eux ; et notre louange était comme la leur.
18 – Et là, tous nommaient le premier Père et le Bien-Aimé, le Christ, et le Saint-Esprit, tous d’une seule voix :
19 – et cette voix n’était pas comme la voix des anges des cinq cieux,
20 – ni comme leur langage, mais il y avait là une voix différente, et il y avait là beaucoup de lumière.
21 – Et alors, lorsque je fus dans le sixième ciel, j’estimai ténèbres ces lumières que j’avais vues dans les cinq cieux ;
22 – Et je me réjouis et je glorifiais celui qui a donné de telles lumières à ceux qui attendent sa promesse.
23 – Et je suppliai l’ange qui me guidait, afin de ne plus revenir dans le monde de la chair.
24 – En effet, je vous le dis, Ézéchias et Yasub, mon fils, et Michée, qu’il y a ici beaucoup de ténèbres, oui, beaucoup de ténèbres.
25 – Et l’ange qui me guidait comprit ce que j’avais pensé, et il dit : « Si tu t’es réjoui de ces lumières, combien plus te réjouiras-tu au septième ciel, d’où j’ai été envoyé, lorsque tu verras les lumières où sont le Seigneur et son Bien-Aimé, celui qui doit être appelé Fils dans le monde.
26 – Il n’a pas été manifesté, celui qui doit être dans le monde sujet à la corruption, ni n’ont été manifestés les vêtements, les trônes et les couronnes déposés pour les justes, pour ceux qui croiront en ce Seigneur qui descendra dans votre aspect. Car la lumière qui est là est grande et admirable.
27 – Mais, pour ce qui est de ne pas revenir dans la chair, tes jours ne sont encore pas accomplis pour que tu viennes ici. »
28 – Et, en l’entendant, je m’attristai, et il me dit : « Ne t’attriste pas. »

Mon analyse :
Le sixième ciel est vécu comme l’extrême aboutissement de la révélation ; tout y est merveilleux et meilleur qu’avant, et bien entendu, sans rapport avec ce qui est sur terre. Mais l’ange annonce mieux encore.

[1] On trouve dans le Judaïsme et le Christianisme antique mention d’anges appelés trônes. Ici, il est difficile de savoir s’il s’agit d’un objet ou d’un personnage.

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