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Évangile des Hébreux

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Évangile des Hébreux

Parmi les nombreux textes non reconnus dans le canon catholique figurent des évangiles. Certains furent un temps adoptés (canonisés) par certaines communautés chrétiennes avant d’être rejeté lors de l’établissement du canon définitif à la fin du 4e siècle de notre ère.
Les trois textes que nous allons étudier auraient été utilisés par les Cathares, notamment selon Jean Duvernoy, et les confusions dans les noms employés m’amènent à vous présenter les trois textes.
Je m’appuie pour les textes originaux sur l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard : Écrits apocryphes chrétiens. Cet ouvrage publié en 1997, était sous la responsabilité de François Bovon et Pierre Géoltrain. Comme d’habitude les introductions, notices et notes ne sont pas reproduites afin de vous inciter à acquérir cet ouvrage et de ne pas nuire aux droits d’auteurs.Read more

Le Roman Pseudo-Clémentin

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Le Roman Pseudo-Clémentin

Le Roman Pseudo-Clémentin est la désignation moderne d’un ensemble composé d’un texte grec, les Homélies du Pseudo-Clément et d’un texte latin, les Reconnaissances du pseudo-Clément. Pour des raisons de validation, tant du point de vue de l’autorité que de l’ancienneté, ces textes sont placés sous le nom de Clément de Rome, qui est présenté par Irénée de Lyon comme le troisième successeur de Pierre à la tête de la communauté de la fin du 1er siècle.

Dans une tradition particulière, Clément — le disciple de Paul — évoqué dans la Lettre aux Philippiens et Clément de Rome — devenu disciple de Pierre — seraient une même personne. Ce Roman se fie à cette tradition et se rattache donc à l’antiquité chrétienne la plus ancienne. Ce changement de maître et d’école théologique explique aussi l’attitude envers Paul.Read more

Épitre de Pierre à Jacques (R.P.C.)

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R.P.C. Homélies du Pseudo-Clément

Le Roman Pseudo-Clémentin est la désignation moderne d’un ensemble composé d’un texte grec, les Homélies du Pseudo-Clément et d’un texte latin, les Reconnaissances du pseudo-Clément. Pour des raisons de validation, tant du point de vue de l’autorité que de l’ancienneté, ces textes sont placés sous le nom de Clément de Rome, qui est présenté par Irénée de Lyon comme le troisième successeur de Pierre à la tête de la communauté de la fin du 1er siècle.
Je m’appuie pour les textes originaux sur l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard : Écrits apocryphes chrétiens. Cet ouvrage publié en 2005, était sous la direction de Pierre Géoltrain et Jean-Daniel Kaestli. Comme d’habitude les introductions, notices et notes ne sont pas reproduites afin de vous inciter à acquérir cet ouvrage et de ne pas nuire aux droits d’auteurs.Read more

R.P.C. – Épitre de Clément à Jacques-1

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R.P.C. Homélies du Pseudo-Clément

Le Roman Pseudo-Clémentin est la désignation moderne d’un ensemble composé d’un texte grec, les Homélies du Pseudo-Clément et d’un texte latin, les Reconnaissances du pseudo-Clément. Pour des raisons de validation, tant du point de vue de l’autorité que de l’ancienneté, ces textes sont placés sous le nom de Clément de Rome, qui est présenté par Irénée de Lyon comme le troisième successeur de Pierre à la tête de la communauté de la fin du 1er siècle.
Je m’appuie pour les textes originaux sur l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard : Écrits apocryphes chrétiens. Cet ouvrage publié en 2005, était sous la direction de Pierre Géoltrain et Jean-Daniel Kaestli. Comme d’habitude les introductions, notices et notes ne sont pas reproduites afin de vous inciter à acquérir cet ouvrage et de ne pas nuire aux droits d’auteurs.

Épitre de Clément à Jacques

Chapitre 1

1 – Clément à Jacques le seigneur et évêque des évêques, qui dirige à Jérusalem la sainte Église des Hébreux et celles qui partout ont été heureusement fondées par la providence de Dieu, avec les presbytres, les diacres et tous les autres frères. Que la paix soit toujours <avec toi>.
2 – Sois informé, mon seigneur, que Simon, qui, en raison de sa vraie foi et des principes très sûrs de son enseignement, a été établi comme fondement de l’Église et a reçu pour cela de la bouche véridique de Jésus lui-même le surnom de Pierre,
3 – lui les prémices de notre Seigneur, le premier des apôtres, le premier à qui le Père révéla le Fils, lui que le Christ a justement proclamé bienheureux, l’appelé, l’élu, le compagnon de table et de route, le disciple bon et éprouvé, celui qui a reçu, comme le plus apte de tous, la mission d’éclairer la partie du monde la plus obscure, c’est-à-dire l’Occident, et qui a su la mener à bien —
4 – mais jusqu’où prolonger cet éloge, par crainte d’annoncer l’affligeante nouvelle, dont il me faut en tout cas nécessairement te faire part, tôt ou tard ? —
5 – ce Simon qui, dans son amour démesuré pour les hommes, sous le présent règne du Malin, a révélé clairement et publiquement au monde entier le bon Roi à venir, venant jusqu’ici à Rome, sauvant les hommes par son enseignement voulu par Dieu, lui, Simon, a quitté par une mort violente cette présente vie pour une autre.

Mon analyse :
Clément se charge d’annoncer la mort de Pierre à Jacques. Ce faisant il le glorifie largement au-dessus de ses mérites, notamment en matière de transmission de la foi.

Chapitre 2

1 – Dans les jours mêmes qui précédèrent sa mort, nos frères s’étant réunis, il me prit subitement la main, se leva, et dit devant la communauté :
2 – « Écoutez-moi, frères et compagnons dans le service de Dieu. Puisque, comme me l’a révélé le Seigneur et Maître qui m’a envoyé en mission, Jésus-Christ, les jours de ma mort sont proches, je désigne comme votre évêque Clément que voici, à qui je confie la chaire de mon enseignement :
3 – il a fait route avec moi depuis le début jusqu’à la fin, et ainsi il a été l’auditeur de tous mes entretiens, en un mot, il a partagé toutes mes épreuves et s’est montré ferme dans la foi ; j’ai éprouvé en lui plus que chez tout autre la piété, la charité, la chasteté, la science, la tempérance, la bonté, la justice, la longanimité et la noble capacité à supporter les marques d’ingratitude de certains catéchumènes.
4 – Voilà pourquoi je lui confie le pouvoir de lier et délier, afin que tout ce qu’il aura décidé sur la terre soit décrété dans le ciel. Car il liera ce qu’il faut lier et déliera ce qu’il faut délier, parce qu’il connaît la règle de l’Église.
5 – Écoutez-le donc, en sachant que quiconque contriste celui qui préside à la vérité commet un péché envers le Christ et irrite le Père de l’univers : il lui en coûtera la vie.
6 – Car il faut que celui-là même qui assure la présidence tienne lieu de médecin, et n’ait pas l’emportement d’une bête privée de raison. »

Mon analyse :
Clément annonce que Pierre l’a nommé son successeur devant toute la communauté, en prévision de sa mort. Pierre aurait présenté Clément comme le plus apte et le meilleur pour cette mission.

Chapitre 3

1 – À ces mots, je tombai à ses pieds et l’implorai, déclinant l’honneur et le pouvoir de la chaire.
2 – Il me répondit :
« Ne me demande rien à ce sujet : ma décision est arrêtée, et cela d’autant plus que tu la déclines, car une chaire de cette nature ne requiert pas quelqu’un d’entreprenant, avide de l’occuper, mais de prudent dans son comportement et d’instruit dans notre doctrine.
3 – Indique-moi donc quelqu’un qui soit meilleur que toi, qui plus que toi ait partagé ma route, écouté mes discours, appris le gouvernement de l’Église, et je ne te contraindrai pas à bien agir malgré toi.
4 – Mais tu ne pourras pas maintenant me proposer un meilleur choix que toi ; car toi, tu es les meilleures prémices des gentils sauvés par mon ministère.
5 – D’ailleurs, fais-toi encore cette réflexion : si, par crainte du risque de pécher, tu repousses la direction de l’Église, sois bien conscient que tu commets un péché plus grand, en refusant de porter secours, alors que tu le pourrais, aux fidèles qui sont pour ainsi dire exposés aux périls de la navigation, parce que tu ne considères que ton propre intérêt, et non celui de toute la communauté.
6 – Et que tu doives dans tous les cas assumer ce risque, comme je ne cesse de te le demander pour venir en aide à la communauté, tu le sais fort bien.
7 – Plus vite tu me donneras ton assentiment, plus vite tu me soulageras de mon inquiétude.

Mon analyse :
Pierre précise que Clément est le meilleur candidat et il signale même qu’il est tel car il est d’origine non juive. Cela a deux conséquences : d’abord confirmer indirectement le point de vue de Paul, selon lequel les nations sont accessibles au Christianisme et préparer Jacques à accepter Clément, lui qui attachait une si grande importance au respect du Judaïsme dont le Christianisme n’était — à ses yeux — qu’un courant religieux.

Chapitre 4

1 – « Je sais moi aussi, Clément, que je te fais présent de peines, d’inquiétudes, de dangers, de critiques de la part de foules ignorantes, que tu sauras supporter noblement, dans la perspective de la grande récompense que Dieu te réserve pour ton endurance.
2 – Mais médite encore avec moi exactement sur ce point : quand le Christ a-t-il besoin de ton secours ? Est-ce maintenant, alors que le Malin a déclenché une guerre contre sa jeune épousée ? Ou bien est-ce pour le temps à venir, quand, vainqueur, il régnera et qu’il n’aura plus besoin d’aucune aide ? N’est-il pas évident, même pour un esprit borné, que c’est maintenant ?
3 – Empresse-toi donc de porter secours au bon Roi, de toute ta volonté, au moment où s’en présente la nécessité, parce qu’il est dans sa nature d’accorder de grandes récompenses après la victoire.
4 – Réjouis-toi donc de devenir évêque, sous des auspices d’autant plus favorables que c’est de moi que tu as appris le gouvernement de l’Église, pour le salut des frères qui trouvent refuge auprès de nous.

Mon analyse :
Là encore, Clément insiste par la voix de Pierre sur le fait qu’il l’a nommé en raison des difficultés rencontrées par l’Église et qu’il est donc nécessaire de valider ce choix.

Chapitre 5

1 – « Au reste, je veux te rappeler en peu de mots, devant tous et pour le profit de tous, les devoirs de ta charge.
2 – Il faut que tu mènes une vie irréprochable et que tu écartes de toi avec le plus grand soin tous les tracas de la vie, refusant de servir de garant ou d’avocat et de te laisser impliquer dans quelque autre affaire séculière.
3 – Car le Christ ne veut pas que tu tiennes lieu de juge et d’arbitre dans des questions d’argent ou dans des entreprises — ce qui constitue les affaires du monde présent —, de peur qu’accablé par les soucis présents des hommes, tu n’aies pas le temps de séparer par la doctrine de vérité les gens de bien des méchants.
4 – Ces services, que ce soient les disciples qui se les rendent les uns aux autres, et qu’ils ne te détournent pas de l’instruction susceptible de t’apporter le salut.
5 – Car de même qu’il est pour toi impie d’assumer les soucis séculiers en négligeant de faire ce dont tu as reçu la mission, de même c’est un péché pour chaque laïc de refuser l’entraide même dans les besoins séculiers.
6 – Que toute la communauté apprenne des diacres, si elle n’y pense pas d’elle-même, à te laisser libre des tracas qui ne doivent pas être les tiens, afin que tu n’aies souci que de l’Église, veillant à bien la gouverner et à lui dispenser les doctrines de vérité.

Mon analyse :
Maintenant, c’est une règle de vie communautaire que Clément déroule, un peu comme un programme politique d’un futur élu. Clément ne devra pas s’impliquer dans la vie communautaire afin de se réserver à des activités plus nobles. C’est tout l’opposé de la règle cathare où les responsables doivent assumer leur part des tâches communes.

Chapitre 6

1 – « Car si tu te laisses accaparer par des tracas séculiers, tu te tendras un piège à toi-même ainsi qu’aux fidèles. Car si tu ne peux pas leur donner le viatique qui leur serait utile faute de disponibilité, tu seras toi aussi châtié pour ne pas leur avoir appris ce qui leur aurait été utile, tandis qu’eux, privés d’enseignement, Ils seront perdus pour cause d’ignorance.
2 – Aussi garde-toi disponible pour eux, et assure la présidence en veillant à délivrer en temps opportun les enseignements susceptibles de les sauver ;
3 – et qu’eux, ils t’écoutent, en sachant que tout ce que lie sur la terre le héraut de la vérité est aussi lié dans le ciel et tout ce qu’il délie y est délié. Et toi, tu lieras ce qui doit être lié et délieras ce qui doit être délié.
4 – Telles sont, parmi d’autres semblables, les dispositions qui te concernent en tant que chef de la communauté.

Mon analyse :
Il semble que Pierre, par la bouche de Clément, doute qu’il soit possible d’être à la fois pratiquant et enseignant. C’est pourtant essentiel et ceux qui ne le peuvent montrent vraisemblablement qu’ils ne sont pas prêts pour l’enseignement car encore trop accaparés à leur propre apprentissage.

Chapitre 7

1 – « Quant à celles qui concernent les presbytres, les voici. En tout premier lieu, qu’ils unissent par le mariage les jeunes gens de bonne heure, prévenant les pièges du désir dans sa verdeur.
2 – Mais qu’ils ne dédaignent pas non plus de marier ceux qui sont déjà âgés ; car le désir se manifeste aussi avec vigueur chez certaines personnes d’âge avancé.
3 – Donc, pour éviter que la fornication ne trouve contre vous un aliment et n’introduise en vous la même peste, prenez vos précautions et tâchez d’éviter que le feu de l’adultère ne s’allume en vous à votre insu.
4 – Car c’est un grand mal que l’adultère, si grand qu’il vient en second pour la gravité du châtiment ; car la première place est réservée à ceux qui sont dans l’erreur, même s’ils se montrent tempérants.
5 – Aussi vous, en tant que presbytres de l’Église, exercez à la tempérance la fiancée du Christ — par  » fiancée « , j’entends le corps de l’Église — ;
6 – car si le Roi son fiancé la trouve chaste, elle sera comblée des plus grands honneurs, et vous, vous serez comblés de joie, parce que vous serez conviés à la noce.
7 – Mais s’il la prend en faute, elle sera rejetée, et vous, vous serez châtiés, pour peu qu’à l’origine de sa faute, il y ait eu votre négligence.

Mon analyse :
Concernant la communauté, il ressort le sentiment que la foi n’est pas en mesure de maintenir une certaines ascèse, ce qui oblige les responsables à prendre des mesures pour contrecarrer des passions mal contenues. On voit encore la supériorité de la conception cathare. Plutôt que de vouloir contraindre, le Catharisme laisse à chacun le temps de se convaincre de l’importance des choix les plus justes. Dès lors, il n’y a plus de contrainte nécessaire ; les choses vont de soi.

Chapitre 8

1 – « En conséquence, que votre principal souci soit la tempérance ; car il est établi que la fornication est particulièrement odieuse à Dieu.
2 – Or, il existe de multiples formes de fornication, ainsi que vous l’expliquera Clément lui-même ; mais la première forme de l’adultère, c’est lorsqu’un homme ne se contente pas de sa propre épouse, et une femme, de son propre époux.
3 – Si quelqu’un fait preuve de tempérance, il peut aussi se montrer charitable, ce qui lui assurera une miséricorde éternelle.
4 – Or, si l’adultère est un grand mal, la charité est un très grand bien.
5 – Aussi aimez tous vos frères, avec des yeux pleins de piété et de miséricorde, jouant le rôle des parents avec les orphelins, d’époux avec les veuves, procurant de la nourriture avec la plus grande joie,
6 – arrangeant les mariages pour les jeunes gens qui sont en pleine vigueur, procurant à ceux d’entre eux qui n’ont pas de métier les moyens de gagner leur vie par des activités, à l’artisan un travail, à l’invalide votre pitié.

Mon analyse :
Il est rappelé l’importance de la charité, c’est-à-dire la Bienveillance (agapê). Pierre qui l’avait si mal compris dans son dialogue avec Jésus, se sent obligé de rappeler cela à Clément ? Cela ne peut qu’étonner.

Chapitre 9

1 – « Je sais que cela, vous le ferez si vous établissez la charité en votre cœur. Or, pour l’y introduire, il n’existe qu’un moyen efficace, qui est de prendre le sel en commun.
2 – Veillez donc à partager plus fréquemment, dans la mesure
du possible, vos repas les uns avec les autres, pour ne
pas laisser se perdre la charité. Car elle est le fondement de
la bienfaisance, qui est elle-même le fondement du salut.
3 – Tous, mettez en commun vos propres ressources avec
tous vos frères en Dieu, sachant que pour des présents éphémères, vous recevrez des biens éternels.
4 – Plus encore,
nourrissez ceux qui ont faim, donnez à boire à ceux qui ont
soif, des vêtements à ceux qui sont nus ; visitez les malades,
allez dans les prisons voir les détenus, et secourez-les autant
que vous le pouvez ; recevez les étrangers dans vos propres
maisons avec le plus grand empressement.
5 – Du reste, et
pour ne pas entrer dans le détail, c’est la charité qui vous
apprendra à pratiquer toute forme de bien, tandis que la
haine d’autrui enseigne la méchanceté à ceux qui ne veulent
pas être sauvés.

Mon analyse :
Voilà un point de vue que l’on ne peut que partager. La Bienveillance est à la base de tout. C’est d’elle que tout découle.

Chapitre 10

1 – « Que les frères qui ont des différends entre eux ne les règlent pas devant les autorités, mais qu’ils laissent les presbytres de l’Église les réconcilier d’une façon ou d’une autre, en se soumettant résolument à leur décision.
2 – Mais fuyez aussi la cupidité, qui, sous le prétexte d’un gain éphémère, peut vous priver de biens éternels.
3 – Veillez soigneusement à vos balances, à vos mesures et à vos poids, à leur justesse selon les lieux ; soyez des dépositaires fidèles.
4 – D’ailleurs ces règles et autres analogues, vous accepterez de les observer jusqu’au bout, si vous gardez constamment présent dans votre cœur le souvenir du jugement que rendra Dieu.
5 – Car qui péchera, s’il est pleinement convaincu qu’un Dieu juste, qui pour l’instant ne fait preuve que de longanimité et de bonté, a décidé qu’il y aurait un jugement à la consommation des temps, pour que les hommes de bien jouissent désormais pour l’éternité de biens ineffables, mais que les pécheurs avérés connaissent l’éternité d’un châtiment indicible pour leur méchanceté ?
6 – Qu’il en soit bien ainsi, il serait peut-être raisonnable d’en douter, si le Prophète de vérité n’avait affirmé sous la foi du serment que cela se produirait.

Mon analyse :
Les règles de vie au sein de la communauté chrétienne sont basées sur l’acceptation de l’autorité de l’Église. Dans les conflits internes, la place est donnée à l’arrangement amiable, sous la conduite d’une autorité religieuse qui est à même d’apprécier l’aspect spirituel des choses, contrairement à une autorité civile. L’honnêteté demandée à chacun est fondée sur la logique de la foi. Comment peut-on commettre le mal si l’on est convaincu que Dieu veut le bien ?

R.P.C. – Épitre de Clément à Jacques-2

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R.P.C. Homélies du Pseudo-Clément

Le Roman Pseudo-Clémentin est la désignation moderne d’un ensemble composé d’un texte grec, les Homélies du Pseudo-Clément et d’un texte latin, les Reconnaissances du pseudo-Clément. Pour des raisons de validation, tant du point de vue de l’autorité que de l’ancienneté, ces textes sont placés sous le nom de Clément de Rome, qui est présenté par Irénée de Lyon comme le troisième successeur de Pierre à la tête de la communauté de la fin du 1er siècle.
Je m’appuie pour les textes originaux sur l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard : Écrits apocryphes chrétiens. Cet ouvrage publié en 2005, était sous la direction de Pierre Géoltrain et Jean-Daniel Kaestli. Comme d’habitude les introductions, notices et notes ne sont pas reproduites afin de vous inciter à acquérir cet ouvrage et de ne pas nuire aux droits d’auteurs.

Épitre de Clément à Jacques

Chapitre 11

1 – « C’est pourquoi, en votre qualité de disciples du vrai Prophète, écartez la discorde qui engendre la méchanceté, et cultivez avec ardeur la bienfaisance.
2 – Et si l’un de vous doute de l’accomplissement de ce qui a été annoncé, qu’il l’avoue sans honte, pour peu qu’il ait souci de sa propre âme, et le chef de la communauté le convaincra pleinement. S’il possède la juste foi, qu’il vive dans la confiance d’échapper au grand feu de la damnation et d’entrer dans le royaume éternel que Dieu réserve aux bons.

Mon analyse :
Le second point incite à ne pas laisser le doute s’installer mais à s’en ouvrir afin d’être convaincu par plus compétent que soi. L’idée est bonne mais elle peut donner lieu à un endoctrinement selon la qualité de celui qui est chargé d’expliquer.

Chapitre 12

1 – « Quant aux diacres de l’Église, qu’ils soient les yeux de l’évêque, furetant de tous côtés avec perspicacité, épiant les actes de chacun des fidèles, cherchant qui va pécher, pour que peut-être, retenu par les admonestations du guide de la communauté, il ne commette pas le péché.
2 – Qu’ils ramènent dans les rangs les déserteurs, afin qu’ils ne négligent pas de venir écouter les enseignements eux aussi avec les autres, et que la parole de vérité puisse les débarrasser des doutes qui envahissent leur cœur à tout instant, sous l’effet des événements de la vie et des mauvaises fréquentations : car lorsqu’ils sont restés longtemps en friche, ils deviennent la proie du feu.
3 – Qu’ils prennent aussi des nouvelles des malades selon la chair et qu’ils les transmettent à la communauté qui l’ignore, pour qu’on aille les voir et qu’on leur procure ce dont ils ont besoin sur l’avis de son chef ; et même si l’on agit à son insu, ce n’est pas pour autant un péché. Telles sont, entre autres, les mesures que doivent prendre les diacres.

Mon analyse :
Là nous voyons se développer le caractère dictatorial de l’Église judéo-chrétienne. Par contre le dernier point ramène à la Bienveillance.

Chapitre 13

1 – « Quant aux catéchistes, qu’ils n’instruisent qu’après
avoir été eux-mêmes instruits ; car c’est de l’âme des hommes
qu’il s’agit. Il faut en effet que le maître de doctrine s’adapte
aux multiples dispositions de ses disciples.
2 – Le catéchiste
doit donc être cultivé, irréprochable, expérimenté, intrépide, comme vous découvrirez que l’est Clément, qui va me succéder dans la catéchèse.
3 – Il serait long d’entrer maintenant
dans le détail ; mais si vous vivez dans la concorde, vous
pourrez parvenir jusqu’au port du repos, là où s’élève la cité
pacifique du grand Roi.

Mon analyse :
La compétence de l’enseignant est requise pour un enseignement de qualité. Ce qui manque ce sont les critères de compétence.

Chapitre 14

1 – « Car le corps tout entier de l’Église ressemble à un
grand navire, qui transporte à travers une violente tempête
des hommes venus de multiples horizons, et qui veulent
habiter une seule et même cité, celle du bon royaume.
2 – Que le maître en soit Dieu ; comparez son pilote au Christ,
sa vigie à l’évêque, ses matelots aux presbytres, ses chefs de
rame aux diacres, et ses recruteurs aux catéchistes ; la foule
des frères, aux passagers ;
3 – le monde, aux profondeurs de
la mer les vents contraires, aux épreuves ; les persécutions,
les dangers, les tribulations de toute sorte, aux lames de
fond , les vents violents soufflant de la terre, à la fréquentation des trompeurs et des faux prophètes ;
4 – les promontoires et les côtes rocheuses, aux juges investis de l’autorité proférant de terribles menaces ; les côtes turbulentes et infestées de monstres marins, aux irréfléchis et aux incrédules doutant des promesses de la vérité.
5 – Imaginez les hypocrites comme les pirates. Quant aux puissants tourbillons, à la tartaréenne Charybde, aux échouements meurtriers, aux naufrages mortels, voyez en eux seuls les péchés.
6 – Donc, pour qu’une heureuse navigation vous conduise sans trop de dangers jusqu’au port de la cité espérée, priez de manière à vous faire entendre ; or, ce sont les bonnes actions qui rendent les prières dignes d’être exaucées.

Mon analyse :
L’image donnée de l’Église renforce l’idée d’enfermement spirituel et le rôle des diacres signale la coercition qu’elle s’autorise.

Chapitre 15

1 – « Que les passagers se tiennent solidement assis aux places qui sont les leurs, pour ne pas ébranler le navire ou le faire gîter par leur désordre,
2 – que les recruteurs rappellent la solde, que les diacres ne négligent aucune des tâches qui leur ont été confiées que les presbytres, en leur qualité de matelots, fournissent avec diligence ce dont chacun a besoin ; que l’évêque, en sa qualité de vigie, reste toujours en éveil, et ne communique qu’avec le pilote.
3 – Que le Christ soit aimé comme un pilote salvateur, et qu’on n’ait foi qu’en ses paroles. Que tous prient Dieu de leur accorder une heureuse navigation.
4 – Que ceux qui sont à bord s’attendent à toutes sortes de tribulations, puisqu’ils longent cet abîme profond et agité qu’est le monde : tantôt découragés, pourchassés, dispersés, souffrant de la faim et de la soif, dépouillés de leurs habits, plongés dans la détresse, tantôt réunis de nouveau, rassemblés, apaisés ;
5 – et encore victimes du mal de mer, des vertiges, des vomissements c’est-à-dire confessant leurs défaillances comme on rejette des biles malsaines, j’entends par là les péchés d’aigreur et les maux qu’ont accumulés des passions désordonnées : leur aveu, comme un vomissement, vous soulage de votre mal, et ce j traitement salutaire vous fait recouvrer la santé.

Mon analyse :
Là encore on voit la préférence pour un comportement de soumission et la conviction sans persuasion mais par le couple récompense-menace.

Chapitre 16

1 – « Sachez tous que l’évêque souffre plus que vous tous, parce que si chacun de vous endure ses propres peines, lui, endure les siennes propres et celles de chacun.
2 – C’est pourquoi, Clément, en ta qualité de chef de la communauté, porte secours à chacun, dans la mesure où tu le peux, en te chargeant des soucis de tous. Aussi, ta prise en charge de l’administration de l’Église, la vois-je comme une grâce que je reçois, et non que je te fais.
3 – Mais sois confiant, et supporte noblement cette fonction, sachant que, quand tu seras parvenu au port du repos, Dieu t’accordera en retour le plus grand des biens, un salaire inaliénable, parce que tu auras accepté, pour le salut de tous, la tâche la plus lourde.
4 – En conséquence, si de nombreux frères te haïssent pour
ton extrême justice, leur haine ne te causera aucun tort, tandis que l’amour du Dieu juste te sera d’un grand profit.
5 – Efforce-toi donc de bannir un éloge qui serait le fruit de
l’injustice, et de rechercher dans une juste administration
celui, profitable, qui vient du Christ. »

Mon analyse :
L’évêque est valorisé afin que tous lui obéissent. Cependant, les dissensions sont connues, ce qui prouve que le système est défaillant quand on utilise la force en lieu et place de la conviction sincère.

Chapitre 17

1 – Après avoir prononcé ces paroles, et bien d’autres encore, il tourna de nouveau son regard vers la foule, et il dit :
« Vous aussi, mes frères bien-aimés et mes compagnons au service de Dieu, soumettez-vous en tout point à celui qui préside à la vérité, sachant que celui qui l’a contristé n’a pas accueilli le Christ dont la chaire lui a été confiée, et que celui qui n’a pas accueilli le Christ sera considéré comme ayant rejeté le Père, et pour cela sera exclu du bon royaume.
2 – Efforcez-vous donc d’assister à toutes les assemblées, de peur que le découragement de votre chef ne vous fasse, comme déserteurs, accuser de péché.
3 – Songez avant tout à prendre son parti, en ayant conscience que c’est en grande partie à cause de chacun d’entre vous que le Malin le hait et mène la guerre contre lui.
4 – Efforcez-vous donc de demeurer fermes dans votre attachement pour lui et dans la bienveillance les uns envers les autres, et de lui obéir, pour que son fardeau soit allégé et que vous, vous puissiez être sauvés.

Mon analyse :
Pierre est présumé avoir validé la soumission et l’obéissance contrainte. Ces dernières sont contrôlées par l’assiduité et renforcées par la culpabilité individuelle.

Chapitre 18

1 – « Il y a aussi certaines choses que vous devez comprendre de vous-mêmes, parce qu’il ne peut pas parler ouvertement à cause des intrigues ; par exemple, s’il a de l’inimitié pour quelqu’un, n’attendez pas qu’il dise : “ Ne prenez pas parti pour lui ”, mais conformez-vous sagement à sa volonté en témoignant de l’hostilité à ceux qu’il a pour ennemis, et en refusant de fréquenter ceux qu’il ne fréquente pas ;
2 – et cela, pour que chacun, malgré son désir d’avoir l’amitié de tous, gagne son salut en se conciliant son évêque et en prêtant l’oreille à ses paroles.
3 – Or, si quelqu’un reste l’ami de ceux pour qui l’évêque éprouve de l’inimitié, et entre en conversation avec ceux qu’il ne fréquente pas, il devient lui aussi un de ceux qui veulent détruire l’Église,
4 – car s’il est avec vous de corps, il ne l’est pas de cœur, il est contre vous, et bien plus pernicieux que les ennemis qui se manifestent du dehors, parce qu’avec sa feinte amitié, il disperse ceux du dedans. »

Mon analyse :
Oubliée la Bienveillance ! Maintenant, le corps communautaire est appelé à faire siennes les querelles de l’évêque. Donc, si l’Église n’est plus bienveillance, les membres doivent devenir eux aussi malveillants. On s’éloigne à grand pas de l’idéal initial.

Chapitre 19

1 – À ces mots, publiquement et devant tous, il m’imposa les mains et me pria instamment de m’asseoir dans sa chaire.
2 – Dès que j’y fus assis, il me dit :
« Je te le demande, devant tous les frères ici présents : lorsque j’aurai quitté la vie d’ici-bas, comme je le dois, envoie à Jacques le frère du Seigneur un récit abrégé comprenant aussi tes réflexions depuis l’enfance, et expliquant comment tu as fait route avec moi depuis le début jusqu’à maintenant, attentif aux prédications que je faisais de ville en ville ainsi qu’à mes actes ; puis, finalement, n’hésite pas à lui faire connaître l’occasion de ma mort, comme je te l’ai indiqué.
3 – Car cette nouvelle ne l’affligera pas outre mesure, quand il saura que je me suis acquitté pieusement de ce qu’il fallait de toute façon que je subisse ; ce sera pour lui une très grande consolation que d’apprendre qu’après moi, ce n’est pas à un homme inculte, ignorant la doctrine vivifiante, méconnaissant la règle de l’Église, qu’a été confiée la chaire de l’enseignement ;
4 – car un discours trompeur cause la perte des âmes des foules qui y prêtent l’oreille. »

Mon analyse :
Pierre est utilisé pour valider la position de Clément envers Jacques.

Chapitre 20

1 – Quand il eut donné ses consignes, mon seigneur Jacques, je promis de les suivre aussi n’ai-je pas tardé à consigner dans des livres, ainsi qu’il me l’avait demandé, résumés à l’essentiel, la plus grande partie des discours qu’il a tenus de ville en ville, et dont a déjà été faite une première rédaction qu’il t’a fait parvenir, et à te les envoyer, en guise de mémorial, sous ce titre : De Clément, abrégé des prédications de Pierre au cours de ses voyages. Mais je vais commencer mon exposé, comme j’en ai reçu l’ordre.

Mon analyse :
Une fois qu’il pense avoir prouvé la validité de sa position hiérarchique, Clément annonce ses Homélies.

Le canon de Muratori

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Le canon de Muratori (fragment)

[Le début manque.] [10 r°] du moins (les événements] auxquels [Marc] assista, et il les mit ainsi par écrit. Le troisième livre évangélique est celui de Luc. Ce Luc était médecin, après l’ascension du Christ, alors que Paul l’avait pris avec lui à cause de sa connaissance du droit, il écrivit en son propre nom, selon son point de vue. Toutefois, il n’avait pas vu lui-même le Seigneur dans la chair, et en conséquence il entreprit de dire ce dont il avait pu prendre connaissance, à partir de la naissance de Jean. Le quatrième évangile est celui de Jean, l’un des disciples ; à ses compagnons et aux épiscopes qui l’exhortaient, il dit « Jeûnez avec moi aujourd’hui pour trois jours, et ce qui aura été révélé à chacun, nous nous le raconterons l’un à l’autre. » La même nuit, il fut révélé à André, l’un des apôtres, que Jean devait tout rapporter en son propre nom, avec le consentement de tous. En conséquence, même si le commencement de chacun des livrets évangéliques semble différent, ils ne diffèrent cependant en rien pour la foi des croyants, puisque tout y est exposé en tous par un Esprit unique et souverain : la nativité, la Passion, la résurrection, entretiens avec ses disciples, son double avènement, d’abord méprisé comme il le fut, dans son humilité, puis dans une glorieuse puissance royale, comme cela adviendra. Qu’y a-t-il donc d’étonnant, si Jean rapporte avec autant de fermeté chacun [des événements] même dans ses propres épîtres, quand il dit à propos de lui-même : « Ce que nous avons vu de nos propres yeux, ce que nous avons entendu de nos propres oreilles, ce que nous avons touché de nos propres mains, voilà ce que nous avons mis par écrit pour vous ? [10 v°] Ainsi, il proclame avoir été non seulement le spectateur et l’auditeur, mais aussi le rapporteur de tous les miracles du Seigneur, selon leur ordre.
Quant aux Actes de tous les apôtres, ils ont été rédigés en un seul livre. Luc expose à l’excellent Théophile chacun [des événements] qui se sont déroulés en sa présence, comme le montre à l’évidence le fait qu’il ait omis la passion de Pierre, mais aussi le départ de Paul quittant la Ville pour l’Espagne.
Quant aux lettres de Paul, elles manifestent par elles-mêmes, à ceux qui veulent bien comprendre quelle est leur nature, d’où elles proviennent et même pourquoi elles ont été envoyées : la toute première, adressée aux Corinthiens, condamnant les hérésies du schisme, ensuite, aux Galates, condamnant la circoncision ; puis, s’adressant aux Romains, il s’étend assez longuement sur l’ordre des Écritures et leur principe, qui est le Christ. Il est nécessaire que nous traitions de chacune d’entre elles, puisque le bienheureux apôtre Paul lui-même, suivant l’exemple de son prédécesseur Jean, n’écrit nominativement qu’aux sept Églises, dans l’ordre suivant : la première lettre, aux Corinthiens ; la deuxième, aux Éphésiens ; la troisième, aux Philippiens ; la quatrième, aux Colossiens ; la cinquième, aux Galates ; la sixième, aux Thessaloniciens ; la septième, aux Romains. À dire vrai, même s’il renouvelle sa réprimande aux Corinthiens et aux Thessaloniciens, il appert cependant que c’est une seule Église qui est répandue par tout l’orbe terrestre. En effet, même si Jean, dans l’Apocalypse, écrit à sept Églises, en fait, il s’adresse à toutes. Par ailleurs, à Philémon, une lettre ; à Tite, une ; à Timothée, deux, par affection et amitié : elles sont tenues pour saintes en l’honneur de l’Église catholique, pour le bon ordre de la discipline ecclésiastique, [11 r°] On conserve aussi une lettre aux Laodicéens et une autre aux Alexandrins, forgées sous le nom de Paul pour servir l’hérésie de Marcion, et plusieurs autres, qui ne peuvent pas être reçues au sein de l’Église catholique ; car le fiel ne saurait être mêlé au miel.
En revanche, l’épître de Jude et deux autres portant le nom de Jean sont acceptées au sein de l’Église, ainsi que l’est la Sagesse, écrite par des amis de Salomon en son honneur. Pour les apocalypses, nous acceptons seulement celle de Jean et celle de Pierre, dont cependant certains des nôtres refusent la lecture dans l’Église. Quant au Pasteur, Hermas l’a écrit très récemment, de notre temps, à Rome, alors que son frère Pie occupait le siège épiscopal de la ville et certes, il convient de le lire, mais non d’en faire lecture publique à l’Église devant le peuple, ni parmi les prophètes, dont le nombre est complet, ni parmi les apôtres, [qui sont] à la fin des temps.
Mais d’Arsinoé, de Valentin et de Miltiade, nous n acceptons rien du tout ils sont allés jusqu’à composer un nouveau livre des Psaumes pour Marcion, en même temps que l’Asiate Basilide, le fondateur des cataphrygiens. [La fin manque.]

Mon analyse :

Ce document, souvent cité, est exceptionnel en cela qu’il donne à connaître comment ont pu être définis les éléments qui allaient constituer les textes canoniques du Nouveau Testament.

« Rédigé en latin au VIIe ou VIIIe siècle, il est la traduction d’un original en grec dont l’origine et la datation sont débattues. Une référence au Pasteur d’Hermas et à l’évêque de Rome Pie (140-155) l’ont fait situer à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle avec une origine romaine, ce qui l’a longtemps fait considérer comme la plus ancienne ébauche de canon néotestamentaire. Cette option est contestée depuis le dernier quart du XXe siècle par quelques chercheurs qui considèrent que l’original est d’origine orientale, composé au IVe siècle.

Il existe en effet un fort consensus au sein de la recherche du début du XXIe siècle pour considérer la formation du canon comme un processus assez long, stimulé par les controverses avec les mouvements chrétiens hétérodoxes. Sa première concrétisation remonte à une lettre d’Athanase d’Alexandrie datée de 367 : ainsi le canon du Nouveau Testament — compris comme la collection exclusive d’une série de livres de l’Écriture reconnus du point de vue ecclésial — est plutôt à dater des IVe et Ve siècles. Si le fragment de Muratori date effectivement du IIe siècle, il s’agirait d’un document assez unique pour cette période. Toutefois une partie de la recherche reste attachée à une datation et fixation plus haute du canon, la constitution de collections d’œuvres néo-testamentaires considérées par leurs auteurs norme de foi remontant au IIe siècle. » (source : Wikipedia)

Ce document est donc très intéressant en cela qu’il nous donne à connaître, non seulement une datation approximative des choix qui vont guider la sélection des textes du canon, mais aussi comment la doctrine judéo-chrétienne, déjà en lutte contre Marcion et d’autres personnages — classés dans les gnostiques —, va orienter ses choix de façon plus politique. On peut donc penser que les interventions sur les textes, notamment de Paul, sont antérieurs à cette période.

Nouveau Testament occitan de Lyon

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Le Nouveau Testament occitan de Lyon (ms P.A. 36)

Traduit au XIIIe siècle en langue provençale et précédé d’un Rituel cathare.

Présentation

Le manuscrit Palais des Arts n° 36 de la Bibliothèque municipale de Lyon lui a été légué par Jean-Julien Trélis, né à Alès en 1758, secrétaire de l’Académie et bibliothécaire de la ville de Nîmes, chassé de cette ville par la Terreur blanche en 1815, mort à Lyon, où il avait été membre de l’Académie, en 1831. L’abbé de Sauvages avait consulté le manuscrit à Alès et l’avait utilisé pour son Dictionnaire languedocien-français (1785).
Le rituel cathare qui suit le Nouveau Testament a été publié par E. Cunitz dans les Beiträge zu den theologischen Wissenschafren , puis par L. Clédat avec la traduction avant la reproduction photo-lithographique du texte exécutée par les frères Lumière. L’Évangile de saint Jean a été publié par W. Förster dans la Revue des langues romanes (2eme série, 1883, t.V, p. 106 et ss., 157 et ss.) .
Le livre a longtemps été considéré comme vaudois ; sa reliure porte d’ailleurs au dos « Bible vaudoise ». Toutefois, depuis Ed. Reuss et ses articles de 1851 à 1653 dans la Revue de Théologie et de Philosophie de Strasbourg (t. V, déc. 1852), sa provenance cathare et sa provenance occitane n’ont plus été mises en doute.
Il s’agit d’un livre liturgique, d’un textus, que portaient dans un sac sur la poitrine les parfaits cathares chargés du ministère de leur Église, et qu’ils imposaient sur la tête de ceux qu’ils « consolaient », c’est-à-dire baptisaient. Le Rituel en fait foi.

© Jean Duvernoy – 2001

Mon commentaire

Ce document est à mes yeux absolument extraordinaire. Nous avons sous les yeux le travail d’une équipe de languedociens — vivant dans des maisons cathares italiennes de la fin du 13e siècle —, comme l’ont montré les travaux de l’équipe d’historiens dirigée par Anne Brenon et David Zbiral.
On trouve dans ce document deux éléments fondamentaux.
D’abord, bien entendu, le Rituel cathare, écrit par les autorités cathares exilées en Italie, afin que les cathares de retour en Languedoc puissent réaliser les rituels et sacrement normalement dévolues aux diacres et aux évêques cathares.
Mais aussi, une quinzième lettre de Paul aux Laodicéens. Beaucoup ont glosé sur l’épitre aux Laodicéens et la plupart en ont déduit qu’elle était désormais remplacée par celle aux Éphésiens, voire celle aux Colossiens. Ce document nous prouve qu’il n’en est rien et qu’elle était bien ajoutée aux autres chez les cathares. Autre point essentiel : l’ordonnancement des textes ; il correspond, semble-t-il, aux Nouveaux Testaments d’avant le 7e siècle. Il révèle comment les judéo-chrétiens ont tenté d’amoindrir la portée des textes de Paul en les reportant au milieu de l’ouvrage alors qu’ils en constituaient auparavant la conclusion.
Certes, bien peu pourront lire le contenu de ce document essentiellement rédigé en provençal et latin et dans une graphie médiévale. Mais cela m’importe peu car ce qui compte pour moi, c’est d’avoir sous les yeux un tracé scriptural vraisemblablement issu d’un homme qui représente l’absolu.


Informations techniques

Éditeur : Ernest Leroux (Paris) 1888 – Ré-édition : Slatkine – 1968 (Genève)
Ce livre est libre de droit dans sa version initiale, puisque Léon Clédat est décédé en 1930 et que les droits sont tombés en 2001. Pour vous procurer la ré-édition Slatkine, cliquez ce lien.

La version originale, proposée ci-dessous, est la reproduction de L. Clédat réalisée en 1887 et souscrite presque uniquement par des bibliothèques, ce qui le rend rarissime. Il semble qu’il y en ait eu moins de cent exemplaires imprimés, au vu des souscriptions.
En voici un exemplaire qui appartenait à Déodat Roché qui y a d’ailleurs porté plusieurs mentions et traductions en marge au crayon de papier.

Sommaire (Jean Duvernoy)

Le sommaire ci-dessous est extrait du site officiel de Jean Duvernoy et comporte ses transcriptions de l’ouvrage. Visitez son site.

Nouveau Testament en occitan. (Ms PA 36 B. M. de Lyon, Clédat) (texte occitan) 1977.

  1. Pour les textes suivants, la transcription n’a pas été mise en ligne par Jean Duvernoy de son vivant  :
    – Épîtres catholiques (septembre 2002)
    – Épîtres de Paul (Romains) (septembre 2002)
    – Épîtres de Paul (1 Corinthiens à Hébreux) (septembre 2002)

Vous en trouverez ci-dessous la version originale issue de l’œuvre de Léon Clédat :

  • Épître de Jacques – version originale – pdf disponible
  • Première épitre de Pierre – version originale – pdf disponible
  • Seconde épitre de Pierre – version originale – pdf disponible
  • Première épitre de Jean – version originale – pdf disponible
  • Deuxième épitre de Jean – version originale – pdf disponible
  • Troisième épitre de Jean – version originale – pdf disponible
  • Épitre de Jude – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Romains – version originale – pdf disponible
  • Première épître de Paul aux Corinthiens – version originale – pdf disponible
  • Seconde épître de Paul aux Corinthiens – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Galates – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Éphésiens – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Philippiens – version originale – pdf disponible
  • Première épître de Paul aux Thessaloniciens – version originale – pdf disponible
  • Seconde épître de Paul aux Thessaloniciens – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Colossiens – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Laodicéens – version originale – pdf disponible
  • Première épître de Paul à Timothé – version originale – pdf disponible
  • Seconde épître de Paul à Timothée – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul à Tite – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul à Philémon – version originale – pdf disponible
  • Épître de Paul aux Hébreux – version originale – pdf disponible
  • Prologue de l’évangile selon Jean – version originale – pdf disponible
  • Rituel occitan (Pdf,20 s, mai 2001) – version originale – pdf disponible
    • Le service (apparelhementum ou servici)  (vf) – pdf disponible
    • La règle (vf) – pdf disponible
    • La tradition de la sainte Oraison dominicale (vf) – pdf disponible
    • Le sacrement de la Consolation (Consolamentum) (vf) – pdf disponible
    • Le sacrement de la Consolation aux mourants (vf) – pdf disponible

Une transcription intégrale en occitan moderne a été réalisée en 2016 par Yvan Roustit qui l’a publiée à compte d’auteur (1100 exemplaires).
Ce document de grande qualité bibliographique est un complément indispensable pour tout chercheur voulant étudier sérieusement ce texte.

Deuxième lettre de Simone Weil à Déodat Roché (janvier 1940)

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La philosophe Simone Weil, auteure de « La pesanteur et la grâce », notamment, eut des relations épistolaires avec Déodat Roché, chercheur et adepte d’une approche ésotérique du catharisme.

Parmi les documents que sa secrétaire, Clémentine Cabréra m’a offert pour que vive la mémoire du « pape du catharisme », voici cette lettre retrouvée dans l’amoncellement de livres et revues.

Melle Simone Weil

8 rue des Catalans Marseille                                                            Vendredi 21 Janvier 1940

Monsieur,

Je ne connaissais pas le N° d’Iggdrasil où est la traduction de Benveniste. Je l’ai trouvé chez Ballard et l’ai prié de vous l’envoyer, ce qu’il va faire. Les textes sont splendides, la traduction semble de premier ordre. Ce sont bien des textes du Turkestan, en langue parthe.

Les hymnes manichéens que je vous disais avoir lus sont ceux qui sont traduits du copte. Je les avais trouvés à la Bibliothèque nationale dans une édition en deux volumes, avec texte copte, glossaire, traduction en allemand dans un volume, en anglais dans l’autre. Je suppose que ce sont là les volumes de la collection Chester Beatty ?

Je n’ai pas trouvé chez Ballard d’autre N° d’Yggdrasil où il soit question des manichéens. Il n’a pas la collection complète.

Je ne suis pas de votre avis sur la nécessité de publier des études pour préparer la publication des textes. Sans doute, il faut publier des études sur ce sujet, et ce que j’ai lu de vous montre que vous êtes particulièrement qualifié pour en écrire qui soient de premier ordre. Mais je ne crois pas que ce travail doive précéder celui de la publication des textes ; je crois qu’ils doivent se faire parallèlement ou que même les textes doivent venir les premiers.

Je pense qu’il existe quelques esprits faits comme le mien. Pour moi, en toute matière, rien ne vaut les textes originaux, nus et sans commentaires. Seuls, ils me procurent le contact avec ce que je désire connaître. Peu m’importe si je ne les comprends que partiellement. Ensuite seulement, j’ai recours aux études et commentaires, s’il y en a qui m’inspirent confiance, puis je reviens aux textes.

J’avoue, non sans honte, que j’ignorais l’existence des Chapitres, des Homélies, ainsi que celle du rituel cathare. Sans quoi j’aurais lu tout cela depuis longtemps à la Nationale, et n’en serais pas réduite au désir impuissant.

Un recueil de textes comprenant la traduction des Chapitres et des Homélies, d’un choix des hymnes trouvés en langue parthe et copte, de textes arabes et les textes cathares, ce serait là quelque chose d’incomparable ; non seulement à cause de l’extraordinaire inspiration commune à tous ces textes, mais à cause des colorations diverses prises par cette inspiration à travers des pays si variés.

La question de la traduction serait difficile à résoudre. À mon avis, il faudrait absolument publier les textes cathares dans l’original, qui est facilement accessible aux lecteurs français, avec une traduction en face ou en appendice. Des paroles aussi merveilleuses que « …aias merce del esperit pausat en carcer » doivent être données elles-mêmes au lecteur.

Mais quant aux textes de Manès, aux hymnes en langue copte, les traduire de l’anglais ou de l’allemand serait une solution médiocre. Des hymnes déjà traduits en copte, puis du copte en allemand, puis de l’allemand en français, ne peuvent pas garder grand’chose de leur valeur première. Le mieux serait de pouvoir faire traduire tous ces textes directement en français, et aussi littéralement que possible. Peut-être y aurait-il lieu de communiquer à ce sujet avec Corbin ? Ne travaille-t-il pas à la Nationale ? Je crois que j’ai entendu prononcer son nom par une de mes amies qui y travaille, et avec qui je pourrais sans doute au besoin correspondre.

Mais même une traduction faite sur les traductions en allemand et en anglais serait de loin préférable à l’absence d’un recueil accessible au public.

Quant aux Arabes, n’y a-t-il pas une encyclopédie du X° siècle, des « Frères de la pureté » dont vous me parliez, qui contient l’exposé de la doctrine ismailiste ? Je ne sais rien là-dessus, sinon ce qu’en dit le volume de la collection Armand Colin sur l’Islam. L’influence manichéenne semble en effet évidente. Certainement Dermenghem peut fournir des renseignements là-dessus. Si je vais à Alger, ce qui devient douteux, vu la difficulté d’obtenir l’autorisation, je m’occuperai certainement de cela, malheureusement je ne sais pas l’arabe, quoique j’aie l’intention de l’apprendre au cas où je passerais quelque temps en Afrique du Nord.

À mon avis, un recueil de textes manichéens pourrait être publié sans aucun commentaire ; simplement une sorte de glossaire à la fin pour les noms propres et les mots intraduisibles ; il est vrai que la doctrine est à certains égards obscure, mais l’inspiration est lumineuse et répond avec une intensité poignante au sentiment de la condition humaine que tout être humain éprouve au moins à certains instants. Il est vrai que la complication des symboles voile parfois l’inspiration aux yeux du lecteur ignorant, aux miens par exemple. Mais l’inspiration est rendue sensible par la merveilleuse poésie qui enveloppe les textes, cette poésie entraîne l’esprit, le fait passer par-dessus les obscurités et le met directement en contact avec ce qu’il y a d’essentiel dans la doctrine.

Les esprits sensibles à ce genre de poésie n’ont pas besoin de commentaires pour sentir immédiatement que ces textes renferment quelque chose de grand ; ils ne sentent le besoin de commentaires qu’après s’être imprégnés des textes eux-mêmes. Les esprits qui n’y sont pas sensibles ne s’intéresseront jamais, je crois, au manichéisme.

Dans ce N° d’Yggdrasil, par exemple, les commentaires de Corbin et de Benveniste n’ajoutent rien, à mon avis, au texte et on pourrait facilement s’en passer, sauf quelques renseignements qui prendraient place dans l’espèce de glossaire que je suggère.

Sans doute, la situation actuelle rend très grande la difficulté de toute entreprise en ce genre. Mais il s’agit de difficultés matérielles ; moralement, au contraire, jamais les esprits n’ont été préparés comme à présent. Il y a 10 ans, quand les gens vivaient, du point de vue spirituel, calfeutrés dans une espèce de ouate, très peu de gens étaient susceptibles de s’intéresser à de telles doctrines. Aujourd’hui, les mots mêmes de mal et de souffrance éveillent déjà par eux-mêmes un écho. D’autre part, les préoccupations intellectuelles et littéraires d’avant 1940 semblent à tout le monde aujourd’hui quelque chose de lointain, de fantomatique et d’irréel ; et pour plusieurs raisons, il y a peu de chances pour que surgissent dans un avenir prochain beaucoup d’œuvres originales qui répondent au besoin présent des esprits. Les esprits des hommes de notre époque n’ont la possibilité de trouver une nourriture que dans le passé. Ainsi même des gens de second ordre vont se trouver rejetés par force vers des modes de pensée qui leur étaient restés étrangers jusque là.

Depuis près de vingt siècles, depuis l’apparition du christianisme, le manichéisme est sans doute ce qui s’est produit de plus merveilleux sur le globe terrestre dans l’histoire spirituelle de l’humanité. Les connaissances spéciales que vous possédez dans ce domaine vous donnent aussi des responsabilités particulières à l’égard de vos contemporains.

J’ai parlé, entre autres, à Daumal, (un collaborateur des Cahiers du Sud également, qui s’occupe particulièrement des choses hindoues ) de l’intérêt qu’il y aurait à publier un recueil de textes manichéens et cathares ; car il est en rapports avec les éditions du Sagittaire et je pensais que cela pourrait être utile. Je me suis permis de lui donner votre adresse. La sienne est : « Campagne Dalmasso », Allauch (Bouches du Rhône).

Jusqu’ici, je n’ai pas pu m’arranger pour aller à Béziers. J’espère que ce sera possible.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma sympathie.

Simone Weil.