Évangile des Hébreux
Parmi les nombreux textes non reconnus dans le canon catholique figurent des évangiles. Certains furent un temps adoptés (canonisés) par certaines communautés chrétiennes avant d’être rejeté lors de l’établissement du canon définitif à la fin du 4e siècle de notre ère.
Les trois textes que nous allons étudier auraient été utilisés par les Cathares, notamment selon Jean Duvernoy, et les confusions dans les noms employés m’amènent à vous présenter les trois textes.
Je m’appuie pour les textes originaux sur l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard : Écrits apocryphes chrétiens. Cet ouvrage publié en 1997, était sous la responsabilité de François Bovon et Pierre Géoltrain. Comme d’habitude les introductions, notices et notes ne sont pas reproduites afin de vous inciter à acquérir cet ouvrage et de ne pas nuire aux droits d’auteurs.
Étude des fragments
Le titre de ce texte découle de citations faites par des commentateurs qui critiquaient ainsi des Chrétiens hétérodoxes à tendance judaïsante. Ce texte, issu du judéo-christianisme égyptien, a été composé à la fin du 2e siècle. Son rejet du canon s’explique notamment par certaines références semblant provenir de la gnose juive.
I. Jérôme (Commentaire sur Isaïe, IV)
… selon l’Évangile en langue hébraïque que lisent les nazaréens, toute source de l’Esprit saint descendra sur lui… Dans l’Évangile dont nous venons de faire mention, nous avons découvert qu’il est écrit ceci : Et il arriva que, lorsque le Seigneur fut remonté de l’eau, toute source de l’Esprit saint descendit, se reposa sur lui et lui dit : « Mon Fils, dans tous les prophètes, j’attendais que tu viennes pour me reposer en toi. Car tu es mon repos, tu es mon Fils premier-né qui règnes pour l’éternité. »
Mon analyse :
Ce texte, tiré d’Isaïe, manifeste son ancrage vétérotestamentaire. Son auteur veut manifestement rattacher Jésus à cette tradition, ce qui explique l’attribution du texte. Jérôme prétend que les nazaréens s’y référaient ce qui semble être une exagération.
II. Origène (Commentaire sur Jean, II, 12, 87)
Si quelqu’un admet l’Évangile des hébreux, où le sauveur lui-même dit : « Tout à l’heure ma Mère, le Saint-Esprit, m’a pris par un de mes cheveux et m’a transporté sur la grande montagne, le Thabor », il en viendra à se demander comment l’esprit saint qui procède du Verbe peut être la Mère du Christ.
Mon analyse :
L’origine juive tient au fait que le genre de ce terme est féminin. L’Esprit, comme la Sagesse sont désignés par un féminin. De même la prise par les cheveux renvoie à Ézéchiel et Habaquq..
IIIA. Clément d’Alexandrie (Stromates, II, 9, 45, 5)
C’est ce qu’on trouve aussi écrit dans l’Évangile des hébreux : Qui se sera étonné deviendra roi, et qui sera devenu roi aura le repos.
IIIB. Clément d’Alexandrie (Stromates, V, 14, 96, 3)
Ce dont on peut trouver l’équivalent dans ces mots : Qui cherche n’aura de cesse qu’il ne trouve ; quand il aura trouvé, il sera émerveillé ; une fois émerveillé, il deviendra roi ; devenu roi, il aura le repos.
Mon analyse :
Comment ne pas mettre en parallèle ces deux phrases avec le logion 2 de l’Évangile de Thomas ? Là encore, la présentation plus étendue plaide pour une antériorité de ce texte des hébreux sur l’autre. Il est nettement d’inspiration platonicienne (Timée), ce qui plaide pour une influence gnostique, peut-être valentinienne.
IV. Jérôme (Commentaire sur l’Épitre aux Éphésiens, III)
Il convient plutôt aux saints de pleurer et de s’affliger, conformément aussi à l’Évangile hébraïque, où nous lisons que le Seigneur dit à ses disciples : « Ne soyez jamais joyeux tant que vous n’aurez pas regardé votre frère avec amour. »
Mon analyse :
Ce texte sur la fraternité est à rapprocher de Matthieu.
V. Jérôme (Commentaire sur Ézéchiel, VI)
Dans l’Évangile dit selon les hébreux que les nazaréens lisent habituellement, on tient pour coupable d’un des plus grands crimes celui qui aura contristé l’esprit de son frère.
Mon analyse :
Au-delà du rapport à Ézéchiel, cette notion est proche de Matthieu où le respect de la communauté est essentiel. C’est l’idée vétérotestamentaire de l’amour du prochain.
VI. Jérôme (Les hommes illustres, II)
L’Évangile qu’on appelle selon les hébreux, que j’ai récemment traduit en grec et en latin et qu’Adamantius cite souvent lui aussi, rapporte également, après la résurrection du Sauveur : Quand le Seigneur eut donné le linceul au serviteur du prêtre, il alla vers Jacques et lui apparut. Jacques avait en effet juré qu’il ne mangerait plus de pain depuis l’heure où il avait bu la coupe du Seigneur jusqu’à ce qu’il le voit ressuscité de ceux qui dorment. Et il reprend peu après : « Apportez, dit le Seigneur, une table et du pain. » Et suit aussitôt : Il prit le pain, le bénit, le rompit et le donna à Jacques le Juste en disant : « Mon frère ; mange ton pain, puisque le Fils de l’homme est ressuscité de ceux qui dorment. »
Mon analyse :
Là aussi, il est difficile de ne pas voir des convergences entre ce texte et l’Évangile de Thomas, notamment dans son logion 12, qui lui aussi attribue une place centrale à Jacques le Juste. C’est étonnant car jacques, le frère de Jésus n’était pas disciple.
VII. Didyme l’aveugle (Commentaire sur les Psaumes)
Dans l’Évangile de Luc, il semble que Matthieu soit nommé Lévi. En fait ce n’est pas lui, mais celui qui a été installé à la place de Judas, Matthias, et Lévi qui sont le même, avec deux noms. Cela apparaît clairement dans l’Évangile des hébreux.
Mon analyse :
Cette partie finale n’appelle pas de commentaire particulier.