Rituel occitan de Dublin – Église de Dieu – 2


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Ce texte, traduit et annoté par Anne Brenon, fut mis en avant au début des années soixante par Théo Venckeleer, philologue belge, qui l’avait trouvé dans un manuscrit conservé à la bibliothèque du Trinity Collège de Dublin sous la cote A 6 10 et reclassé maintenant sous l’appellation « manuscrit 269 ».
Le présent document est donc un ajout à l’ouvrage de René Nelli, « Écritures cathares » publié par les éditions du Rocher dans une édition actualisée et augmentée par Anne Brenon en 1995. Pour respecter le droit des auteurs je ne vous livrerai ni la préface, ni les notices que vous trouverez dans le livre. J’espère qu’en ne publiant que la traduction je ne causerai aucun tort à personne et je permettrai à tous d’accéder à cet ouvrage essentiel à la compréhension de la doctrine cathare.

L’Église de Dieu

Chapitre III

Cette Église se garde de tuer et ne consent à aucun meurtre. Notre Seigneur Jésus-Christ dit en effet (Mt 19, 16 et 18) : « Si tu veux entrer en vie (éternelle), tu ne tueras point ». Et il dit encore (Mt 5, 21-22) : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : tu ne tueras pas, car celui qui tue sera inculpé judiciairement ; mais moi je vous dis : quiconque tient en haine son frère, en répondra au tribunal ». Et saint Paul dit (Rom 13, 9) : « Tu ne tueras pas ». Et saint Jean dit en son épître (Jn 3, 15) : « Vous savez qu’aucun meurtrier n’a en lui la vie éternelle ». Et dans l’Apocalypse, il dit (Apoc 22, 15) : « Les assassins seront jetés hors de la cité sainte ». Et encore (Apoc 13, 10) : « Tout homme qui tuera par le glaive, il conviendra qu’il soit tué de la même manière ». Et il dit encore (Apoc 21, 8) : « La part des meurtriers sera dans l’étang brûlant de feu et de soufre ».
Et saint Paul dit aux Romains, qui étaient pleins de l’envie de meurtre, de dispute, de tromperie et de méchanceté (Rom 1, 32) : « Ceux qui font de telles choses sont dignes de mort, et non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font ».

Mon analyse :
L’auteur montre combien l’Église cathare est authentiquement de Dieu puisqu’elle respecte au plus profond ses préceptes enseignés par Christ. La Torah montre ses faiblesses alors que l’Évangile de Christ, c’est-à-dire sa bonne nouvelle, nous enseigne et nous commande la Bienveillance. Donc, non seulement on ne doit pas tuer mais on ne doit pas approuver un meurtre et on ne doit même pas tenir quiconque en haine.

Chapitre IV

Cette Église se garde de l’adultère et de toute souillure, car Notre Seigneur Jésus-Christ dit (Mt 19, 18) : « Tu ne commettras pas l’adultère ». Et il dit à nouveau dans l’évangile de saint Matthieu (Mt 5,27-28) : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : tu ne commettras pas l’adultère ; mais moi je vous dis : quiconque regardera la femme en la désirant, il aura déjà commis avec elle l’adultère dans son cœur ». Et il dit encore (Mt 15, 19-20) : « C’est du cœur que sortent les mauvaises pensées, adultère et fornication, et c’est cela qui souille l’homme ». Et au livre de la Sagesse il est écrit (Prov 6, 32) : « Celui qui est fornicateur perdra son âme par manque de cœur ».
Et saint Paul dit aux Philippiens (Éph 5, 3) : « Que [les noms de] fornication ni souillure ne soient prononcés parmi vous ».
Et il dit encore (Éph 5, 5) : « Mais sachez-le bien : aucun fornicateur, débauché ni avare n’a droit à l’héritage dans le royaume du Christ ». Et aux Galates il dit encore (Gal 5, 19-21) : « Les œuvres de la chair sont manifestes : ce sont fornication, souillure, débauche, luxure etc. Et ceux qui commettent de telles choses n’atteindront pas le royaume de Dieu ». Et il dit encore aux Corinthiens[1] (I Cor 6, 9-10) : « Ne vous trompez pas ; car les fornicateurs, les avares et les adultères ne posséderont pas le royaume de Dieu ». Et il dit encore aux Hébreux (Héb 13, 4) : « Car Dieu jugera les fornicateurs et les adultères ». Et dans l’Apocalypse, il est écrit (Apoc 22, 15) que : « Ceux qui ne sont pas chastes seront jetés hors de la cité sainte ». Et encore (Apoc 21, 8) : « La part des adultères sera dans l’étang ardent de feu et de soufre », qui signifie leur propre mort.

Mon analyse :
Là aussi le comportement issu du commandement de Bienveillance nous amène logiquement à ne faire de tort à personne, ni à autrui en le trompant dans ce qu’il a de plus intime, ni envers nous en nous rabaissant à un rang animal ou en agissant de façon dégradante. À une époque où c’était essentiellement la femme qui était jugée impure et cause de l’adultère, dire à des hommes que désirer une femme qui n’est pas celle que l’on s’est choisie pour la vie est déjà un adultère, constitue un renversement des valeurs sociales. Le rappel des textes sacrés vient confirmer cet interdit qui, dans la loi juive et la règle judéo-chrétienne vaut jugement et condamnation, alors que pour les Cathares il ne s’agit que d’une prescription morale pour les croyants qui ne sont soumis à aucune obligation. Pour les Bons-Chrétiens, cela peut être considéré comme un abandon de l’engagement évangélique vu dans le sacrement de la Consolation. Dès lors, celui qui aura rompu son vœu en sera relevé et redeviendra croyant.

Chapitre V

Cette Église se garde de commettre ni vol ni malhonnêteté, car Notre Seigneur Jésus-Christ dit dans l’évangile de saint Matthieu (Mt 19, 18) : « Tu ne voleras pas ». Et saint Paul dit aux Éphésiens (Éph 4, 28) : « Que celui qui volait ne vole plus, mais travaille plutôt, œuvrant de ses propres mains, ce qui est bien, pour qu’il ait de quoi donner ». Et il dit également aux Romains (Rom 13, 9) : « Tu ne voleras pas, ni ne désireras ce qui appartient à ton prochain ». Et saint Pierre dit dans son épître (I Pe 4, 15) : « Qu’aucun de vous n’ait à souffrir comme meurtrier, comme malfaiteur, ou comme avide de biens étrangers ».

Mon analyse :
Là encore c’est le choix de la Bienveillance qui s’impose. Donc, aucun méfait envers les autres ne peut être envisagé, sans compter les risques liés à la justice sociale qui en la matière est inflexible. Par contre, on l’a vu avec Bélibaste, rejoindre le noviciat puis devenir Bon-Chrétien vaut absolution des fautes antérieures, quelles qu’elles soient.

Chapitre VI

Cette Église se garde de mentir ou de porter de faux témoignages, car Notre Seigneur Jésus-Christ dit (Mt 19, 18) : « Tu ne porteras pas de faux témoignages ». Et saint Pierre dit dans son épître (I Pe 3, 10) : « Celui qui veut aimer la vie et connaître des jours heureux, qu’il garde sa langue du mal et que ses lèvres ne prononcent pas de paroles trompeuses ». Et saint Paul dit aux Romains (Rom 13, 9) : « Tu ne porteras pas de faux témoignages ». Et il dit encore aux Éphésiens (Éph 4, 25) : « Pour cette raison, rejetant le mensonge, que chacun d’entre vous dise la vérité à son prochain ». Et dans l’Apocalypse (Apoc 21, 27), le Christ dit : « En la cité sainte, ne pénétrera rien de souillé, ni ceux qui commettent abomination et mensonge ». Et il dit également (Apoc 22, 15) que : « Tous ceux qui mentent, leur part sera dans l’étang de feu ardent ». Et pour cette raison, saint Paul dit aux Colossiens (Col 3, 9) : « N’acceptez pas le mensonge entre vous ». Et au livre de la Sagesse, il est écrit (Sap 1, 11) : « La bouche qui ment tue l’âme ».

Mon analyse :
Toujours selon le même principe, mensonge et faux témoignages sont des manquements à la Bienveillance envers autrui. Ils doivent donc être abandonnés par ceux qui se veulent disciples de Christ. Il ne s’agit pas d’une simple incitation ; en effet le mensonge tue l’âme, c’est-à-dire qu’il envoie sur le chemin de la perdition.

Chapitre VII

Cette Église se garde de jurer, car Notre Seigneur Jésus-Christ dit dans l’évangile de saint Matthieu (Mt 5, 34-36) : « Il ne faut absolument pas jurer, ni par le ciel qui est la demeure de Dieu, ni par la terre qui est l’escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem car elle est cité du grand roi ; et tu ne jureras pas par ta propre tête, car tu ne peux y faire un cheveu blanc ou noir ». Mais, après avoir interdit de jurer, il enseigna comment on doit parler, en disant (Mt 5, 37) : « Que votre parole soit : oui, oui ; non, non ». Il entend ainsi que, ce que tu as dans le cœur, tu ne l’exprimes que par des paroles, sans serment. Le Christ dit en effet (Mt 5, 37) que : « Ce qu’on dit en plus vient du mal », c’est-à-dire du diable, lequel est appelé mal, et à propos duquel nous prions Dieu, dans l’Oraison, qu’il nous délivre de lui, quand nous disons : « mais libère-nous du mal » (Mt 6, 10).
Mais à l’encontre de ces vérités, la mauvaise Église romaine dit et affirme qu’on doit jurer ; et elle prétend que Dieu a juré ainsi que l’ange ; mais même s’ils ont effectivement juré, ce n’est pas une raison pour que nous devions nous-mêmes jurer, car ce n’est pas à Dieu ni à l’ange que fut donné loi ou commandement de ne pas jurer. Saint Paul dit en effet (Rom 4, 15) que : « En l’absence de loi, il n’y a pas de transgression ». Et c’est pour cela que l’homme ne doit pas jurer, car c’est à lui qu’a été fait commandement de ne pas jurer. Car si l’homme jure, il pourra souvent se parjurer, comme il est manifeste que plus de cent mille parjures ont été commis par la mauvaise Église.
C’est pour cette raison que l’apôtre saint Jacques, qui avait entendu la vérité de [la bouche] de Notre Seigneur Jésus-Christ, dit dans son épître (Jac 5, 12) : « Mais avant toute chose, mes frères, ne consentez à jurer ni par le ciel, ni par la terre, ni par quelque autre serment ; mais que votre parole soit : oui, oui, non, non, de façon à ce que vous ne tombiez pas sous le jugement ». C’est pour cette raison que l’Église du Christ ne veut pas jurer, car si elle jurait, elle transgresserait la loi du Christ qui dit de ne pas jurer.

Mon analyse :
Grande nouveauté, ce n’est pas seulement le jugement mauvais qui est rejeté. En effet, pour les Cathares, l’homme ne peut connaître la vérité qui échappe à ses capacités intellectuelles mondaines. Donc, s’il affirme et s’engage, il ne peut que finir par mentir et, même involontaire, le mensonge est une faute. Donc, pour demeurer dans l’humilité il faut s’abstenir de jurer de quoi que ce soit et par extension de prêter quelque serment que ce soit.
Il y a un point important. Pour ne pas avoir besoin de s’engager envers les autres dans les paroles que l’on prononce, le plus efficace est de ne jamais faillir à ce que l’on dit. Si l’on dit oui, ce doit être un vrai oui et de même si on dit non. Ainsi, les autres sauront que notre parole n’a besoin d’aucun engagement d’aucune sorte et que l’on peut s’y fier.

[1] J’ai corrigé une coquille du livre qui indiquait Éphésiens au lieu de Corinthiens, alors que la citation vient bien de Corinthiens.

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