Évangile des Nazaréens – 1


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Évangile des Nazaréens – 1

Parmi les nombreux textes non reconnus dans le canon catholique figurent des évangiles. Certains furent un temps adoptés (canonisés) par certaines communautés chrétiennes avant d’être rejeté lors de l’établissement du canon définitif à la fin du 4e siècle de notre ère.
Les trois textes que nous allons étudier auraient été utilisés par les Cathares, notamment selon Jean Duvernoy, et les confusions dans les noms employés m’amènent à vous présenter les trois textes.
Je m’appuie pour les textes originaux sur l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard : Écrits apocryphes chrétiens. Cet ouvrage publié en 1997, était sous la responsabilité de François Bovon et Pierre Géoltrain. Comme d’habitude les introductions, notices et notes ne sont pas reproduites afin de vous inciter à acquérir cet ouvrage et de ne pas nuire aux droits d’auteurs.

Étude des fragments

Le problème est que nous n’avons que quelques fragments qui ont été cité par certains auteurs, comme Eusèbe de Césarée et Jérôme et que l’on retrouve dans des codex.
Concernant l’évangile des Nazaréens, certains ont cru y voir une forme antique ayant pu servir de source à l’écriture d’évangiles plus récents comme notamment celui de Matthieu. Cette hypothèse eut son heure de gloire à l’époque de la recherche de la source Q, mais aujourd’hui cette source reste tout à fait hypothétique.

I. Jérôme : Les hommes illustres, III

Dans cet ouvrage, il faut remarquer ceci : chaque fois que l’évangéliste cite, de son propre chef ou par la bouche du Seigneur Sauveur, des preuves de l’Ancien Testament, il ne suit pas la norme des soixante-dix traducteurs, mais celle de l’hébreu. En voici deux exemples : « D’Égypte, j’ai appelé mon fils » et « C’est pourquoi on l’appellera nazaréen ».

Mon analyse :
La Septante, traduction grecque de la Bible hébraïque effectuée à la demande de Ptolémée II vers 270 avant notre ère, fut réalisée par soixante-douze traducteurs issus des douze tribus d’Israël, d’où son nom. Cette traduction fut accusée d’avoir mal rendu le texte hébreu initial. Pourtant elle fut la version officielle à partir de laquelle fut réalisée la traduction latine qui servit à son tour de référence à la traduction française. Jérôme reproche à l’auteur de n’avoir pas suivi la règle de la Septante.

II. Jérôme : Contre les Pélagiens, III, 2

Dans l’Évangile selon les hébreux, qui a été écrit en langue araméenne et syriaque mais avec des lettres hébraïques et dont les nazaréens se servent encore aujourd’hui — cet Évangile selon les apôtres, ou bien, comme beaucoup le prétendent, selon Matthieu, qui se trouve aussi à la bibliothèque de Césarée —, l’histoire est la suivante : Voici que la mère du Seigneur et ses frères lui disaient : « Jean-Baptiste baptise pour la rémission des péchés ; allons nous faire baptiser par lui. » Il leur répondit : « Quel péché ai-je commis pour que j’aille ma faire baptiser par lui ? à moins peut-être que cela même que je viens de dire ne soit de l’ignorance. »

Mon analyse :
Ce passage intéressant se retrouve sous diverses explications dans d’autres textes comme, la Prédication de Paul, L’Évangile selon Matthieu, Les Évangiles de Marc et de Luc. La question de Jésus porte, non pas sur le péché mais sur le jeûne dans l’Évangile de Thomas (log. 104). On le voit ce texte, présent dans les autres textes de référence et, apparemment plus ancien, pouvait être considéré comme leur source, y compris vis-à-vis de Thomas souvent compris comme l’Évangile initial.

III. Codex 566

L’Évangile judaïque n’a pas « dans la Ville sainte », mais dans Jérusalem.

Mon analyse :
Ce codex, également appelé Codex de l’Impératrice Théodora, femme de l’empereur Justinien qui vécut dans la première moitié du 5e siècle et qui fut accusée d’avoir mené une vie dissolue. Le remplacement de cette partie de la phrase marque une forme de rétrogradation qualitative qui est perçue par certains chercheurs comme une marque d’antijudaïsme.

IV. Codex 1424

Les mots « sans raison » ne figurent pas dans certains manuscrits, ni dans l’Évangile judaïque.

Mon analyse :
Ce codex qui date du 9e siècle comporte les textes du Nouveau testament est le plus ancien manuscrit grec complet du NT. Ce qui est intéressant, c’est l’ordre des textes qu’il contient. On y trouve les quatre Évangiles et les Actes des apôtres, mais ensuite viennent les lettres catholiques et l’Apocalypse et enfin, en dernière position, les Lettres de Paul. C’est exactement le même classement que celui que nous trouvons dans le Nouveau Testament occitan de Lyon que nous avons déjà étudié ! Il s’agit donc bien de l’ordre initial, modifié par l’Église catholique pour amoindrir la portée de la prédication paulinienne et, rétabli par les Cathares au 14e siècle.

V. Jérôme : Commentaire sur Matthieu, I

Dans l’Évangile que l’on appelle selon les hébreux, au lieu de pain « nécessaire pour subsister », j’ai découvert maar, c’est-à-dire du lendemain, si bien que le sens serait : « Donne-nous aujourd’hui notre pain du lendemain », autrement dit « du futur ».

Mon analyse :
Jérôme met le doigt (ou le calame plutôt) sur un point extraordinairement important. Cet Évangile dont on pense qu’il fut une source pour d’autres, comporte une notion de pain, non pas matériel, mais bien spirituel. C’est le pain de la vie future, celui qui nourrira le croyant pour son élévation spirituelle. Là encore, les Cathares l’avaient compris en utilisant le terme suprasubstantiel, c’est-à-dire au-delà de toute substance (matière).

VI. Codex 1424

L’Évangile judaïque, ici, a ce qui suit : Si vous êtes dans mon sein et que vous ne faites pas la volonté de mon Père qui est dans les cieux, je vous expulserai de mon sein.

Mon analyse :
Cette phrase se retrouve aussi dans Matthieu (7, 21-23) et rappelle la nécessité d’agir dans le sens indiqué par Jésus et de ne pas se contenter d’être auprès de lui.

VII. Codex 1424

L’Évangile judaïque : davantage que des serpents.

VIII. Codex 1424

L’Évangile judaïque a est pillé.

IX. Codex 1424

L’Évangile judaïque : Je te rends grâce.

Mon analyse :
Il s’agit simplement de variantes des chapitres 10 et 11 de Matthieu.

X. Jérôme : Commentaire sur Matthieu, II

Dans l’évangile dont se servent les nazaréens et les ébionites, que nous avons récemment traduits de l’hébreu en grec et que beaucoup désignent comme l’original de Matthieu, cet homme à la main desséchée est qualifié de maçon, comme on le voit dans les mots par lesquels il implore un secours : J’étais maçon, et c’est par mes mains que j’arrivais à vivre ; je t’en prie, Jésus, rends-moi la santé, de façon à ce que je n’aie pas la honte de mendier ma nourriture.

Mon analyse :
On retrouve ce texte de façon fragmentaire dans de nombreux autres tes, Matthieu bien entendu, mais aussi les Actes et la première aux Corinthiens, le Testament de Siméon dans les Testaments des douze patriarches (Qumran) et Luc. Cela renforce encore l’idée d’un texte original puisant à la source intertestamentaire et ayant alimenté les textes néotestamentaires.

XI. Codex 899

L’Évangile judaïque n’a pas « trois j<ours et trois nuits> »

Mon analyse :
Ce codex, acheté à Venise au 17e siècle, est daté du 11e siècle. Il contient les Évangiles dans un texte grec de style byzantin mais très hétérogène ce qui interdit une quelconque classification précise.
En fait, cette absence est liée au fait que l’Évangile des nazaréens aurait eu comme référence un jour et demi au lieu de trois jours, pour la mort du Christ. Or, ces trois jours qui font référence aujourd’hui, sont calqués sur le séjour de Jonas dans le ventre de la baleine. Il se pourrait donc que la tradition chrétienne la plus ancienne ne faisait pas référence à ce texte vétérotestamentaire et qu’elle fut modifiée plus tard pour s’y référer. Cela expliquerait le choix judéo-chrétien.

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