Philon d’Alexandrie


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Philon d’Alexandrie
Jean Daniélou

Commentaire de Maurice Vanhoutte

La personnalité très diverse de Philon : philosophe, exégète, prédicateur, théologien, ascète et politique tout à la fois, a suscité, au cours des dernières années, un nombre considérable de travaux, surtout en Allemagne et aux Etats-Unis. En France, depuis les travaux de Bréhier qui datent des environs de 1910, aucun ouvrage d’ensemble ne lui avait été consacré. Celui du P, Daniélou nous convainc d’une chose : à l’heure actuelle, il est encore très difficile de porter un Jugement sur Philon, La thèse majeure du nouvel interprète est qu’il ne convient pas de voir en Philon un syncrétiste, comme le faisait Bréhier suivi par d’autres historiens de la pensée antique. Peut-être l’auteur a-t-il eu tort de suivre entièrement Wolfson et Vôlker sur ce point. En effet il donne d’abord à croire que Philon est essentiellement un juif croyant qui ne fait qu’emprunter à la culture grecque les formes d’expression de sa foi. Il n’en reste pas moins, comme on peut le voir au chapitre II, que Philon, profondément imprégné par l’enseignement,des philosophes et rhéteurs grecs, a eu à cœur, dans son zèle apologétique, de prouver aux Grecs que la Bible ne contredisait pas la philosophie naturelle de Platon, d’Aristote et des Stoïciens, Je me contente de renvoyer aux pages 178-179 où l’auteur commente un passage typique à cet égard,
De sorte qu’on gagnerait, je pense, à exposer la pensée philonienne en deux fois, en partant d’abord de la Bible, puis de la philosophie grecque. L’auteur objectera qu’en ce cas on ne tiendrait plus compte de l’homme, de la personnalité extrêmement nuancée que fut Philon. Précisément, n est-ce pas cette subtilité de sa pensée qui nous le masque encore et ne la serrerait-on pas de plus près en multipliant nos perspectives ? Si, comme le voit très bien l’auteur, il y a réellement deux versants dans l’œuvre de Philon, ne serait-il pas opportun de les considérer à tour de rôle pour découvrir leurs nombreux points de rencontre ? Peut-être alors l’interprétation syncrétiste garderait-elle malgré tout sa valeur. Il y a un certain danger, ce me semble, de vouloir pénétrer dans la personnalité d’un penseur ancien. Est-il nécessaire ou tout simplement prudent de soutenir l’originalité de la pensée chez Philon, d’en faire un grand philosophe ? A force de se pencher sur des textes, il arrive quelque fois qu’on s’illusionne sur leur authenticité.
La nature de la collection dans laquelle il publie a interdit sans doute à l’auteur de fournir une bibliographie complète de son sujet, de citer en note des ouvrages importants, de s’étendre sur telle question décisive, par exemple, les philosophes ou la Bible à Alexandrie. L’état dans lequel il nous a livré ses recherches est néanmoins excellent. Le chapitre sur la théologie de Philon est remarquable par sa clarté.

M. VANHOUTTE,

Commentaire publié dans : Revue Philosophique de Louvain – Année 1960, Volume 58, Numéro 58, pp. 295-296
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